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Ulysse, qui l'avait parcourue longuement, a laissé, malgré ses malheurs, un souvenir de jolie allégresse, de gentillesse et de rouerie.

C'est la gaieté méridionale, mais, par la Grèce, mise au point d'une élégance à peu près divine.

Et l'on a dit que la Grèce était miraculeuse. Son miracle est d'avoir inventé un sourire en lequel s'épanouit la plus belle, gracieuse et intelligente pensée de la terre.

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Un soir, jetais sur l'Acropole, à regarder le Parthénon.

J'avais, tout le jour, visité les ruines des monumens que les âges divers bâtirent à la cime ou aux pentes du roc athénien. Et, de ma promenade, il me restait une impression tumultueuse, à cause des disparates que font les élémens du sanctuaire. Les plus diftérentes époques s'y heurtent ; l'Odéon d'Hérode Atticus et le portique d'Eumène, roi de Pergame, sont un voisinage singulier pour les Propylées et pour la chapelle exquise de la Victoire aptère. D'ailleurs, on a détruit et emporté l'alluvion turque. On a bien nettoyé l'Acropole. Et, aujourd'hui, couverte des seuls cailloux grecs, elle a un peu l'aspect d'une plage qu'aurait longtemps lavée la mer et d'où la mer, comme la vie, se serait enfin retirée.

C'est un lieu sec, sans ombre, et que chauffe le soleil.

Les disparates qu'on y aperçoit ne résultent pas seulement des époques différentes. Mais, en un même temps, on a vu les Athéniens aller au théâtre de Dionysos, où les histrions ridiculisaient Asclépios le guérisseur, et, tout à côté, à l'Asclépieion, où les prêtres du dieu médecin vous guérissaient. Le Parthénon nous donne à concevoir une religion de philosophes, à laquelle se plut Périclès ; et, au musée de l'Acropole, j'ai vu les débris de l’Hécatompédon, les fragmens d'une statuaire absurde, avec Triton, avec Typhon, avec des monstres d'enfer et qui ressemblent davantage à de diaboliques imaginations qu'à des symboles de pures idées : ils ressemblent aux démons comiques et horribles qui font leur partie dans le Jugement dernier de nos cathédrales.

Ce que, d'habitude, on raconte et l'on affirme, au sujet du rationalisme grec, je l'ai cherché : je ne l'ai pas trouvé. L'on présente les Grecs comme un peuple de penseurs que gouver-