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exploitation, la Compagnie a construit près de 300 kilomètres de chemins de fer, qui, en fin de concession, feront retour gratuitement au gouvernement tunisien. De Metlaoui, centre d’extraction à l’Ouest de Gafsa, une ligne en construction gagnera les palmeraies de Tozeur, par delà les solitudes salées du Chott-el-Djérid ; un embranchement déjà exploité relie le réseau minier aux lignes du Nord et à Tunis.

Metlaoui, à dix-huit heures de Tunis, est, au seuil du Sahara, la création la plus étonnante de l’industrie minière contemporaine. C’est un jour de sirocco qu’il faut visiter Metlaoui, quand la poussière rouge du désert tourbillonne dans la monotonie des dunes, s’infiltre, toutes portes fermées, dans le bordj du manœuvre kabyle et dans le cottage directorial et rend plus âpres les 45 degrés de l’air qui la charrie : l’effort humain qui s’y dépense est, ces jours-là, de haute qualité.

Recueillis dans le quartier de mine en plan incliné, puis remorqués en berlines dans des galeries que le « Nord-Sud » ne renierait pas toujours, les blocs de phosphate sont amenés à l’estacade de déchargement. Ils basculent ; un wagon les recueille et les emporte vers les terrains de séchage et les fours à air chaud, d’où ils sortent en poudre fine. A la tombée du jour, les trains de trente wagons et plus, longs et lents, quittent Metlaoui pour Sfax. Arrivé au port, le phosphate est déchargé dans de grands hangars vitrés, amoncelé en tas de farine grise, où les débardeurs indigènes aiment venir l’hiver se mettre le corps au chaud. Un jeu de tapis roulans l’enverra, le moment venu, à fond de cale.

Le succès de la Compagnie de Gafsa donna la formule du nouveau réseau tunisien : des lignes perpendiculaires à la côte, parallèles aux grands plissemens montagneux, essentiellement gagées sur des recettes minières. Au Nord de la région de Gafsa, de nouveaux gisemens de phosphates avaient été découverts : Kalaat-ès-Sénam, l’antique « table de Jugurtha, » et Kalaa-Djerda, dans le centre tunisien, Aïn-Moularès, concédé à la Compagnie de Gafsa en 1905, sans parler de quantité d’autres gîtes où l’avidité des prospecteurs et la crédulité des commanditaires virent trop souvent de nouveaux Metlaoui. Dans la région du Centre, le minerai de fer se révélait abondant et de teneur exploitable : autour du Djebel Djorissa, du Slata, de l’Haméima, de Nébeur, les reconnaissances se multipliaient. Même fièvre