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lui, jusqu’aux plus grossières insultes contre Joséphine, oubliant quel encens elle-même prodiguait à Buonaparte dans ses lettres précédentes. Il est vrai que ses intérêts n’étaient alors que menacés ; maintenant qu’elle n’avait plus rien à espérer, et que le sort de la dynastie dépendait d’un caprice, elle se laissait aller à la violence de sa nature volcanique et, de toutes ses forces, de toute sa haine, elle maudissait l’usurpateur. Cependant, elle ne manifestait pas officiellement son courroux, car elle faisait dire à Alquier par Acton que la Cour ne prendrait pas le deuil pour la mort du duc d’Enghien, comme l’avait fait la Cour de Russie. En secret, l’Angleterre continuait à agir à Naples pour s’y assurer une influence décisive. Alquier s’étonnait de l’augmentation visible des forces napolitaines et y voyait le projet de seconder les vues anglaises. Il remettait à Acton une note comminatoire et le prévenait que la France était prête à faire porter sur l’Etat de Naples le fléau de la guerre que ce Cabinet voulait renouveler. Il faisait entendre en même temps à la Reine que la démission d’Acton, dévoué corps et âme aux Anglais, s’imposait avant tout. Acton démissionna le 10 avril, mais le Roi s’opposa à son départ, et ce ne fut que sur la menace d’une rupture officielle dont le menaçait l’ambassadeur de France, que le Roi céda. Acton partit avec le titre de duc de Modica et une pension considérable, le 26 mai, pour Valence, après une domination absolue de vingt-sept années qui livrait au maître de l’Europe le royaume sans armée, sans marine, sans finances et sans appui réel à l’extérieur. La Reine s’empara aussitôt du pouvoir que lui laissait l’ancien ministre et se fit rendre compte des affaires par les divers agens comme si elle était chef du Conseil et le souverain lui-même. Le Roi la laissa faire. Il avait été question de rappeler Gallo ; mais Marie-Caroline, qui dans ses lettres traitait cet ambassadeur avec une confiance plus qu’affectueuse, s’écria devant Alquier : « C’est avec lui que vous traiterez ? Je le méprise et le hais plus que cela n’est croyable ! C’est l’homme le plus léger, le plus frivole, le plus incapable que je connaisse… Il est souple, rampant et vil comme un Napolitain. Malgré tout ce que je pense, c’est cependant un ministre désirable pour moi, si je veux prendre de l’influence dans les affaires, car sentant qu’il aura besoin de mon appui auprès du Roi qui le hait, qui ne s’y fie pas et qui n’en parle jamais sans lui donner les noms de Birbone, Birbante,