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scélérat, renoncer au monde et au gouvernement à jamais. Tous mes vieux et bien peu d’amis, mes enfans, tous ont parlé, pleuré, prêché, qu’un infâme pareil ne pouvait m’offenser. Enfin, ils m’en ont, et de tant de manières, tant dit, qu’unis à la religion, ils m’ont calmée et fait écrire une lettre qui m’a excessivement coûté. »

Dans cette lettre du même jour à Napoléon, la Reine niait avoir jamais eu de la haine contre la France. Celle qu’elle avait pu exprimer ne s’adressait qu’au gouvernement républicain « dont les atrocités, les spoliations et l’instabilité n’étaient, disait-elle, qu’un sujet de crainte pour toutes les puissances… ce que Votre Majesté, disait-elle finement, ne peut mal interpréter, puisqu’Elle a été la première à en reconnaître les innombrables inconvéniens et à remplacer le gouvernement défectueux par un gouvernement plus analogue et adaptable à la France. » Si le Roi avait sollicité l’intervention de la Russie auprès du gouvernement français, c’était pour délivrer Naples du fardeau des troupes françaises, et leur neutralité réciproque permettait cette démarche. La Reine affirmait qu’elle n’était pour rien dans l’arrivée des Russes à Corfou. Si elle gardait de bonnes relations avec les Anglais, c’est que sans eux la pêche et le commerce de ses Etats seraient perdus. Les rassemblemens de troupes dont l’Empereur se plaignait n’avaient eu lieu que pour former un cordon sanitaire destiné à éviter la maladie contagieuse qui désolait alors Livourne. Enfin, pour le départ d’Elliot, c’était avec l’Angleterre que cette question devait être traitée, puisque Elliot était sujet anglais, homme public et accrédité par son pays. Elle terminait sa réponse par l’affirmation d’une franchise et d’une loyauté qu’elle espérait trouver dans l’Empereur lui-même.

La Reine écrivait en même temps à Gallo : « La menace de mes enfans mendiant le pain, et digne d’un crocheteur comme Buonaparte, ne s’oublie pas de ma part et me fera prendre mes efficaces mesures pour les mettre à l’abri. Enfin, le tout est un composé d’insolences. Mais il faut endormir, assouplir le lion pour lui rogner les ongles. Tal servo, tal padrone. Alquier, de son côté, chante dans le même ton… Il me présenta la lettre de l’Empereur, que, par un vrai bonheur et coup de la divine Providence, je n’ouvris pas en sa présence. Car Dieu sait quel en aurait été l’effet, et l’ambassadeur de l’Empereur des Français