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évangélique apparaissait comme un autre péril. A la grande douleur du protestant croyant Kleist Retzow, il essayait « sur le corpus vile de cette Eglise tous les couteaux anatomiques » et la traitait comme « une matière brute, qu’on mettait sous le pilon. » En vertu des mêmes principes qui le poussaient à s’acharner sur la confession romaine et à la faire serve, la dictature que de siècle en siècle l’État s’était arrogée sur la confession protestante, devenait chaque jour plus impérieuse, plus pointilleuse ; s’interposant entre le Roi, chef de l’Eglise, et le corps même de l’Eglise, le ministère revendiquait le droit d’arrêter au passage les propositions que le synode général présentait à la ratification du souverain ; ainsi s’installait, dans la vie de l’Eglise évangélique, une hégémonie nouvelle, celle d’un ministère dans lequel pouvaient, un jour ou l’autre, siéger des Israélites ; et cette perspective attristait d’autant plus profondément Kleist Retzow, que ces ministres, qui s’érigeaient en conducteurs de l’établissement protestant, tranchaient entre les partis théologiques, et soutenaient dans l’Eglise une nuance contre une autre, la nuance du libéralisme contre celle de l’orthodoxie. Mieux vaudrait assurément la victoire des Romains, murmurait, sur son banc du Centre, le chrétien ferme et rigide qu’était Louis de Gerlach.

Ainsi, tandis que les mesures législatives commençaient d’isoler l’Église évangélique de la vie de l’État, les mesures administratives achevaient de livrer à l’Etat la vie de cette Église. Les premières semblaient ébaucher le premier acte d’une séparation ; les secondes aggravaient et scellaient une servitude. « L’ultramontanisme est debout, lisait-on dès le début de 1875, dans la Nouvelle gazette de l’Église évangélique : le voilà resserré, fortifié comme il ne le fut jamais ; le protestantisme est à terre, affaibli, taillé en pièces, comme il ne le fut jamais… L’Église territoriale prussienne apparaît désorganisée, l’Église populaire est pour toujours détruite ; il n’y a que rétablissement ecclésiastique d’État, cette impassible ruine, qui se tient encore debout, par-dessus les orages, par la force de son propre poids. Le ministre avait cette belle tâche, de frapper à mort l’ultramontanisme, et de rendre le protestantisme vivant : notre Église est mourante (todesmatt), la romaine est d’une vivante énergie. » De toutes parts, disait Windthorst à la tribune le 15 mai 1876, on entend dire que les effets du Culturkampf sont