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christianisme ; ils y voyaient un malheur pour l’Empire, un malheur pour le peuple, et se montraient tout prêts à collaborer à l’apaisement. Ils voulaient une révision des lois : d’une part, ils reconnaissaient à l’Etat le droit de régler, en vertu de sa souveraineté, ses rapports avec l’Eglise, et promettaient de le soutenir contre les prétentions de la Curie ; d’autre part, ils n’admettaient pas la contrainte sur les consciences et l’immixtion de l’Etat législateur dans le domaine intérieur de la vie ecclésiastique.

Ainsi des parlementaires conservateurs qu’on ne pouvait plus accuser d’une hostilité systématique contre Bismarck réclamaient nettement, au nom même de leurs inquiétudes religieuses, de leurs inquiétudes pour l’ « ordre moral, » qui leur étaient communes avec l’empereur Guillaume, un remaniement de cette législation belliqueuse à laquelle le nom du chancelier, quoi qu’il voulût et quoi qu’il en dit, demeurerait à jamais attaché.


II

Il songeait à la paix, lui aussi ; mais il y songeait à ses heures, quand il le voulait, devant ceux avec qui il lui plaisait d’y songer. Il était sincère lorsqu’il en parlait, sincère aussi lorsqu’il se laissait entraîner à des provocations nouvelles. Plus ses dispositions étaient complexes, nuancées, à demi repentantes peut-être, plus il affectait, parfois, une brutalité belliqueuse. On faisait, au sujet de sa politique prochaine, les prévisions les plus contradictoires : cela lui agréait ; de tout son mépris et de tout son vouloir il planerait souverainement sur la cohue des prophètes, qui presque tous, ou tous, seraient démentis et dépités, et qui se tairaient.

L’évocation d’une paix future, par laquelle se terminaient ses discours de 1875, était autre chose qu’un artifice. Nullement philosophe, il ne voulait pas la mort d’une idée adverse, d’une Église adverse ; mais il voulait, à cette Eglise, infliger une défaite qui, pour un nombre inconnu d’années, ferait pencher en faveur de l’Etat l’équilibre des deux pouvoirs, toujours instable depuis les plus lointains débuts de l’histoire humaine. Il lui fallait donc une paix qu’il dictât, non point une paix qu’il subît ; mais les férocités mêmes de la guerre étaient, dans sa pensée,