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des étapes vers la paix, vers la paix faite par lui, vers sa paix.

Il avait le sentiment du ridicule, qui manquait à Falk ; il riait le premier, non sans amertume, des moqueries auxquelles s’exposait l’État, de ces piteux gendarmes qui couraient après les curés, ne les attrapaient point et recevaient des quolibets ou des pierres. Causant en août 1875 avec le ministre wurtembergeois Mittnacht, il avouait qu’à certains égards on s’était fourvoyé, et protestait d’ailleurs qu’il n’avait pas été mêlé à la préparation des premières lois de Mai, Dès octobre, des bruits de cour circulaient ; on disait qu’il s’inquiétait, lui aussi, de l’opposition très vive qu’il pressentait de la part des protestans orthodoxes, et qu’il irait, peut-être, jusqu’à sacrifier Falk. Hohenlohe, tout de suite, se mettait aux aguets, regardait du côté de Windthorst. Il lui semblait que Windthorst s’agitait, cherchait à tirer parti de la situation politique ; Hohenlohe recommençait à n’être pas très sûr de Bismarck. Que ferait le chancelier si d’aventure Windthorst lui amenait les voix du Centre et lui promettait qu’elles voteraient dans un sens conservateur ? Le national-libéral Bennigsen était plus rassuré : les bruits que faisaient courir le Centre et les conservateurs sur une évolution de Bismarck lui paraissaient des bravades ; il croyait savoir que ce n’était point Bismarck qui cherchait à se rapprocher du Centre, mais le Centre, plutôt, qui avait envoyé un émissaire à Varzin en vue d’un compromis.

Bismarck s’effaçait lorsqu’en février 1876, le député national libéral Vœlk réclamait du Reichstag des pénalités contre les prêtres qui répandraient des écrits perturbateurs de la paix publique ; une très faible majorité finissait par les voter, et certains notables du nationalisme libéral, comme Forckenbeck, s’y montraient nettement hostiles. « Le Reichstag, disait un diplomate à Gontaut-Biron, est fatigué de toutes ces lois d’exception ; » et Gontaut notait l’acrimonie avec laquelle des interlocuteurs protestans, parlant de certains ministres, les traitaient de francs-maçons. Toutes ces marques de lassitude ne pouvaient échapper à Bismarck.

Les heures où la politique tâtonne et s’empêtre sont propices aux nouvellistes : ils observent, épient, interprètent, inventent : ils raisonnent, ils concluent par des hypothèses, et ces hypothèses s’enrichissent d’imaginations ; et sur le canevas confus qu’ils ont devant eux, leur logique et leur fantaisie brodent à l’envi.