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feuilles de papier noircies. Victoria respecte les traditions, qui lui imposent d’étroites limites. Elle obéit aux oscillations de l’opinion publique. Elle laisse l’évolution industrielle et démocratique suivre son cours. Mais, de même que cette femme, sans goûts affinés, sans grande culture, sans exaltation religieuse, eut les qualités de vigueur physique, intellectuelle et morale, de capacité, qui font les personnalités agissantes ; de même cette souveraine, au front ceint d’une couronne plus solide que brillante, ligotée par les libertés parlementaires d’une ère nouvelle, a trouvé, à force de ténacité quotidienne, dans les pouvoirs d’un contrôle limité, une arme suffisante pour gouverner. Qu’il s’agisse de définir le tempérament ou de préciser le rôle de la reine Victoria, les mêmes mots reviennent sous la plume. Victoria a eu surtout du caractère. Cette énergie méthodique et disciplinée suffit pour expliquer son œuvre et justifier son autorité.

Depuis dix ans, les pouvoirs politiques de la Couronne anglaise n’ont pas été réduits. Edouard VII a conservé intact ce précieux héritage. Entre les mains d’un Roi, formé à l’école de la mer, habitué à commander, qui sait parler à John Bull en soldat et en puritain, le prestige religieux, l’autorité militaire, l’action diplomatique, le contrôle administratif, que conserve la monarchie britannique, ne sauraient subir d’atteintes nouvelles. Le sceptre de l’Empire n’est point à la veille de tomber en quenouille.


JACQUES BARDOUX.