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s’échanger des coquetteries. Quelques mois auparavant, des caricaturistes s’étaient amusés à portraiturer les chefs du Centre, se postant, les pieds dans la neige, aux portes de Canossa, pour épier l’arrivée des prochains pénitens. Les conservateurs allaient-ils, peut-être, faire acte de pénitens ? Mais l’habitude était prise de considérer les membres du Centre comme les ennemis de l’Empire ; comme plus traîtres que les partisans des Stuarts qui ne voulaient, eux, qu’un changement de dynastie ; comme un péril que tout homme à demi intelligent devait prier Dieu l’épargner à l’Allemagne ; et, pour tout dire en un mot, comme un cancer. L’Allemagne officielle devait sourire au Vatican lui-même avant de sourire à de pareilles gens.


VII

On s’attardait en manèges parlementaires ; on mesurait les courtoisies que le Centre méritait ; on était fatigué de brandir des armes et, devant le Centre, on ne voulait pas les déposer ; on passait le temps à songer à l’Eglise, et à ne pas vouloir paraître y songer, à chercher des solutions qui ne paraîtraient pas des résipiscences et qui pourtant seraient des remèdes. Le Centre alors intervenait, et suppliait le nouveau Reichstag de penser au peuple, enfin, et d’y penser longuement. A l’encontre de Sybel et de certains nationaux-libéraux qui, soucieux uniquement de combattre une confession religieuse, avaient prétendu entraver, en vue même de ce combat, l’ascension politique des masses, le Centre continuait de réclamer pour ces masses une autre émancipation, l’émancipation économique. Qu’il y eût une question sociale et même qu’elle fût urgente, Bismarck le savait bien, son familier Wagener lui en rebattait les oreilles : « L’Empire allemand, lui criait-il, s’est laissé dépasser, au point de vue social, par l’Angleterre, par le Danemark, par l’Autriche, par la Suisse. » Et Bismarck faisait élaborer certains projets de réforme, pour une longue échéance ; et puis il les trouvait trop graves, il différait. Il avait à s’occuper du Culturkampf, des moyens de le poursuivre, ou bien de l’abréger. Il semblait que ce malencontreux Culturkampf fût plus absorbant pour Bismarck, qui incarnait la puissance, que pour Windthorst, qui représentait les victimes ; Windthorst et les victimes prenaient le temps d’étudier, parallèlement à la question religieuse, les questions