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Mais j’ai quitté soudain, j’ai quitté pour jamais
La brise, le soleil, les roses que j’aimais,
La source qui bondit au travers des campagnes,
Et les jeux, et les chants de mes jeunes compagnes
J’ai quitté le logis tiède, le jardin…
Je t’ai quitté ! — Peut-être un douloureux destin
M’eût-il accompagnée aux sentiers de la vie ?
Du bonheur la chimère est en vain poursuivie,
Or, mes jours écourtés furent des jours heureux.
— Et puis un soir, aussi, tu fermeras les yeux,
Muet, tu franchiras les eaux des fleuves sombres…
Et je t’accueillerai, père, parmi les Ombres.



LE JARDIN DE RHODANTE

Le jardin de Rhodante est un jardin fleuri,
Un jardin parfumé, merveilleux et torpide
Lorsque midi rutile et qu’un grand soleil rit
Dans le bassin de marbre où l’eau n’a point de ride.

Il luit, ce grand soleil, sur tous les troncs chenus ;
Il miroite, il scintille, il éblouit, il crée…
Et Rhodante, parfois, du bout de ses doigts nus
Choisit la prune d’or qu’il a le mieux sucrée ;

Il distille les sucs, compose les couleurs,
Touche de blanc les lys et de bleu les pensées…
Et quand Rhodante glane une gerbe de fleurs
Elle mêle aux parfums des teintes nuancées.

Rhodante aime à braver le soleil de midi :
Elle chasse, en passant, un vol de guêpes blondes,
Taquine de sa mule un lézard engourdi,
Poursuit un papillon aux ailes vagabondes ;