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voudrait continuer de lutter, que l’autre voudrait cesser. L’appel de Bennigsen au pouvoir aurait, pour un temps, renouvelé l’alliance, mais elle était tout près d’être dénoncée ; le geste de Guillaume, et bientôt les nécessités économiques de l’Empire orienteraient Bismarck vers d’autres combinaisons ; l’offensive du Culturkampf allait perdre son unité.


X

Mais dans ces années 1876 et 1877 où les adversaires du Culturkampf national commençaient à reprendre confiance dans l’avenir, un fait s’était produit, que Bismarck considérait comme un succès pour les partisans d’un Culturkampf européen : les élections, en France, avaient amené la Gauche au pouvoir. Depuis plusieurs années, les journaux allemands se plaignaient que la France, en demeurant en dehors du Culturkampf, violât « un intérêt supérieur d’ordre international ; » ils s’apprêtaient désormais à un autre langage.

« Ce qui les frappe, écrivait Gontaut à Decazes au lendemain des premières élections républicaines de 1876, c’est la défaite du cléricalisme, de ce spectre noir qu’ils ont toujours devant les yeux et que les hommes d’Etat allemands s’efforcent de représenter comme un objet d’épouvante, aussi bien pour les pays étrangers que dans leur patrie. » La Post du 9 avril 1876 écrivait : « Le peuple français, en se décidant pour la République, n’a que deux choix à faire : accepter la théocratie papale ou délivrer la nation des chaînes dans lesquelles l’a tenue le clergé. On paraît être entré dans la seconde voie. Cela prépare une communauté d’idées avec l’Allemagne, qui peut devenir une paix inébranlable pour la France. » Quelques jours après, Thiers, causant avec Hohenlohe, émettait l’idée, — presque dans les mêmes termes, — que la communauté d’intérêts dans la lutte contre l’ultramontanisme offrait une garantie pour la durée des bons rapports entre l’Allemagne et la France.

Cette communauté d’intérêts qu’affirmait Thiers, et que pressentait aussi Gambetta, se traduisit, tout de suite, par certaines similitudes de langage, très continues, très frappantes, entre la presse bismarckienne et les journaux français qui luttèrent en 1877 contre le 16 Mai. Gambetta qui, en 1874, dans une lettre à Mme Edmond Adam, soupçonnait Bismarck d’entretenir de ses