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Que laissent nos regrets, et tu n’as de pitiés
Ni pour les souvenirs, ni pour les amitiés
Qui veillaient humblement sur nous. Nulle rafale
N’a, mieux que toi, brisé toute force rivale,
Car tu veux régner seul. — Amour, je t’ai donné
Ce que j’avais ; tes doigts légers ont couronné
Mon front avec des fleurs plus sombres et plus belles,
Des clartés ont jailli soudain dans mes prunelles,
J’ai connu que ton règne est un règne jaloux,
Et, pour plaire à l’Amour inexorable et doux
J’ai brûlé follement et d’une flamme unique !
Mais ton souffle qui fait ondoyer ma tunique,
Mais ton regard penché, joyeux, sur mon regard,
Mais tes doigts caressans, tout cela, tôt ou tard
Un jour me quittera. Tes ailes inconstantes
Là-bas, vers d’autres cœurs assoupis dans l’attente
S’envoleront… Et moi, moi qui n’aurai plus rien,
Lorsque tu briseras notre ultime lien,
Tel un archet qui brise une corde trop fine,
Amour, j’irai pleurer dans ton ombre divine !



Baronne Antoine de Brimont.