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Mme Carré, tragédienne et cantatrice, qui partagea sa victoire. MM. Salignac et Vieulle se sont également bien conduits.


A propos de Gwendoline, on a parlé, sur le mode majeur, de réparation, de justice tardive, etc. C’est parler un peu haut. Après tout, il n’y a là qu’une reprise, je ne dis pas perdue, mais qui ne répare, ne rajuste rien, et pour cause. Ni l’œuvre, après un quart de siècle, n’a changé, ni, chez certains, l’impression qu’elle avait produite autrefois.

Si vous en avez oublié le poème, le voici, tel que le poète, en personne, l’exposa. « Gwendoline, l’éternelle histoire de l’homme puissant, héroïque, brutal, — Samson, Hercule, Antoine, — vaincu par la femme enfant, ingénue et perverse séductrice, — Dalila, Omphale, Cléopâtre ; — de la femme prise à son tour dans le piège d’amour qu’elle a tendu ; et des Amans triomphant de toutes les haines, de toutes les fatalités, par l’Hymen, ou mieux encore, — Roméo et Juliette, — par la Mort, qui est l’hymen plus définitif, le seul qui ne soit point sujet aux trahisons ni aux divorces. » L’histoire ne manque pas de grandeur : le nombre des majuscules employées à la raconter en témoigne. On pourrait la narrer d’une autre façon, plus simple, plus concrète, et qui serait celle-ci : invasion des côtes de la Grande-Bretagne par les Danois ; séduction du vainqueur par la fille du vaincu, demande en mariage et célébration des noces ; serment, prêté par la fiancée à son père, de poignarder l’époux, mais serment que l’épouse, charmée, amoureuse à son tour, n’a pas le courage de tenir ; trahison, guet-apens de l’implacable beau-père anglo-saxon, meurtre du gendre danois ainsi que de ses compagnons, et, dans les bras du mourant, trépas aussi de sa femme ; apothéose conjugale. « Et ceci se passait dans des temps très anciens. » J’entends que Gwendoline remonte à la belle époque du wagnérisme en France. Alors tout sujet de ce genre flattait notre passion, notre engouement pour la légende ou la préhistoire du Nord. Alors, on ne rêvait que d’opéras où des gaillards aux cheveux roux, aux bras nus et cerclés de fer, portent « sayon de poil de chèvre » et célèbrent, en de farouches transports, l’hydromel, les combats et les Walkyries, tout ce qu’on appelait auparavant « le jeu, le vin, les belles. » Et le Walhalla, que j’allais oublier ! L’effet de ce mot seul était magique sur les abonnés de l’Opéra, qui venaient de faire connaissance avec Brunnhilde et Wotan. Les loges et l’amphithéâtre ne rêvaient d’autre Paradis que celui d’Odin. Aujourd’hui c’est un peu le Paradis perdu. Aujourd’hui, comme Salammbô, lasse également d’être barbare, nous nous prenons à soupirer : « Qui