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à la hauteur de toutes les tâches et nos soldats ont montré, avec leur courage habituel, une endurance et un entrain dignes des meilleurs jours de notre histoire militaire. Le drapeau français a été porté par des mains habiles et vaillantes et le pays en est justement fier. Au début, les opérations ont paru lentes et ceux qui, de leur cabinet, avaient calculé étape par étape en combien de jours on devait arriver à Fez ont eu quelques déceptions. Mais il ne s’agissait pas seulement d’arriver à Fez, il fallait y conduire des convois de vivres et de munitions, et ces convois, il a fallu d’abord les former. Tout cela demandait du temps ; il semble bien que le général Moinier en ait mis le moins possible, étant donné surtout qu’il partait de la mer, qu’il a été obligé d’attendre ses soldats, ses mulets, ses chameaux, enfin tout le matériel de guerre qui lui était envoyé d’Algérie et qui est arrivé dans un grand désordre. Nous persistons à croire qu’on aurait atteint Fez plus vite si on était parti de la frontière algérienne au lieu de partir de la Chaouïa, mais cette critique s’applique à notre gouvernement et non pas à nos officiers qui ont fait pour le mieux dans les conditions qui leur étaient imposées. Les nouvelles de Fez donnaient l’impression qu’il y avait urgence à débloquer la ville et à la ravitailler. Le général Moinier a dû à la fois faire bien et faire vite et il l’a fait avec une grande maîtrise. Le succès l’a récompensé. Lorsque le colonel Mangin et lui se sont embrassés, ils ont eu une émotion qui a été partagée par tout le pays. Nous avions vécu des jours d’angoisse en songeant aux dangers qui menaçaient les colonies européennes et nos instructeurs militaires. Quelque confiance que nous eussions dans nos officiers, et elle était grande, un accident pouvait toujours se produire. Et enfin nous risquions d’arriver trop tard : les craintes excessives que manifestaient à cet égard quelques journaux avaient peut-être quelque fondement. Grâce à Dieu, les nuages qui enveloppaient Fez ont été dissipés ; les Européens étaient saufs et ne paraissaient même pas avoir beaucoup souffert ; nos instructeurs militaires avaient repoussé tous les assauts tentés contre la ville ; l’artillerie dont ils disposaient les y avait puissamment aidés ; enfin les divisions survenues entre les assiégeans avaient, au dernier moment, facilité leur œuvre. Les assiégeans, en effet, avaient tiré leurs derniers coups de fusil les uns contre les autres et, quand notre corps expéditionnaire est arrivé en vue de Fez, ils s’étaient déjà dispersés, sentant sans doute que, pris entre les feux de la ville et ceux de nos soldats, une résistance sérieuse leur serait impossible. Ils ont donc disparu, mais on aurait tort de croire que ce