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IV

Depuis cinquante ans et surtout dans ces trente dernières années, la Roumanie a fait, dans toutes les branches de la vie économique et sociale, de merveilleux progrès ; il faudrait de longues pages pour en retracer l’histoire ; nous nous contenterons d’indiquer quelques faits et quelques chiffres qui témoigneront de la vitalité de la nation roumaine et qui donneront une notion juste de la force qu’elle représente et du poids dont elle pèse dans les affaires européennes.

L’éveil fut donné au pays par quelques boyards qui, s’inspirant des idées de liberté et d’égalité qu’ils avaient puisées en Occident et surtout en France, amenèrent la noblesse à faire le sacrifice de ses propres privilèges et à voter spontanément l’abolition des titres ; ainsi fut ouvert à tous les Roumains, devenus des citoyens égaux, l’accès des plus hautes charges de l’Etat. Le même esprit d’abnégation de la part des grands boyards permit de réaliser le rêve de tous les patriotes, l’union des Principautés. Alors commença, sous le règne du prince Couza, le travail d’organisation de la Roumanie moderne. Le paysan, resté aussi primitif qu’au temps des Daces, peinait sur une terre qu’il ne possédait pas et ne travaillait que pour son seigneur. La grande réforme de 1864 fut le premier pas vers l’émancipation de la classe rurale. L’abolition de la corvée et la distribution des terres aux travailleurs des champs préparèrent le pays à prendre son essor économique.

Lorsqu’en 1860, Charles de Hohenzollern devint prince régnant de Roumanie, le pays, encore vassal de l’Empire ottoman, ne comptait que 4 500 000 habitans. Il n’existait dans le pays aucun chemin de fer, et seulement mille kilomètres de routes ; les méthodes et les instrumens de culture n’avaient fait aucun progrès depuis l’antiquité. La Roumanie n’avait pas d’autre industrie que les métiers rudimentaires de la campagne, très peu de commerce, pas de port. — Aujourd’hui, le royaume indépendant sur lequel règne le roi Carol Ier a plus de sept millions d’âmes et s’accroît en moyenne de près de 100 000 par an ; la population a augmenté de plus d’un tiers depuis 1866. La paix, le bon ordre, l’amélioration du sort des paysans, l’introduction de meilleures méthodes de culture, d’engrais, de