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annuités majorées d’un intérêt de 5 pour 100. Cette caisse rurale instituée sur le modèle de la banque des paysans et de la banque de la noblesse en Russie, a déjà, en deux ans, acquis un grand nombre de domaines sur lesquels elle a établi les paysans comme fermiers lorsqu’il ne leur a pas été possible d’acquitter de suite les 15 pour 100 prévus par la loi ; dès qu’ils pourront fournir cet acompte, ils deviendront propriétaires. La caisse rurale a été fondée au capital de 10 millions, dont 5, apportés par l’État et 5 par les actionnaires. Elle a le privilège d’émettre des obligations, au fur et à mesure qu’elle achète des domaines, au prorata de leur valeur ; ces obligations portent un intérêt de 5 pour 100 et doivent être amorties dans le même délai de cinquante ans qui est accordé aux paysans pour s’acquitter du prix des lots dont ils sont acquéreurs.

Tout dernièrement a été soumise au Parlement une loi tendant à exempter de l’impôt foncier les propriétés paysannes inférieures à six hectares.

A cet ensemble de réformes législatives, le gouvernement a ajouté de nouveaux sacrifices pour répandre l’instruction parmi les paysans et diminuer l’effrayante proportion (75 pour 100) des illettrés ; il s’est appliqué à développer les services médicaux, à combattre l’alcoolisme, à multiplier les routes et les chemins de fer.

Toutes ces mesures constituent une véritable rénovation économique et sociale de la Roumanie. La valeur des terres, depuis quatre ans, a haussé de 30 à 40 pour 100 ; le taux moyen des fermages est plus élevé et pourtant les charges des paysans ont été allégées ; leur sort est moins misérable et moins précaire. Ainsi les sacrifices qui ont été imposés aux grands propriétaires, ou qu’ils ont spontanément consentis, se trouvent amplement compensés par la plus-value des terres et des fermages.

La constitution d’une classe de petits et de moyens propriétaires est une condition essentielle du salut de la Roumanie. La distance est encore trop grande, le fossé trop large, entre la masse rurale inculte et la classe dirigeante qui a remplacé les boyards d’autrefois et qui mène, dans les grandes villes roumaines et à l’étranger, la même vie que les classes cultivées et riches des pays anciennement civilisés. « Il y a déséquilibre, écrit le professeur Xénopol, entre la base et l’édifice qu’on veut lui