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protestation du peintre contre ceux qui l’accusent de faire de la peinture littéraire, parce qu’il a trouvé dans les harmonies verbales des poètes l’expression juste d’impressions identiques aux siennes devant la nature, qu’il traduira, lui, par des harmonies colorées ? Peut-être. En tout cas, rien de plus injuste en ce qui concerne Huet. S’il est vrai que, suivant l’heure, il juge bon, comme Corot, d’animer son paysage par quelque figure humaine, parce que le site lui-même, son caractère, son éclairage évoquent, dans sa contemplation, le souvenir d’une action réelle ou d’une création littéraire, s’ensuit-il que la valeur de son paysage s’en accroisse ou s’en diminue ? On peut trouver, assurément, le décor du Soleil couchant sur l’abbaye, mal présenté, d’une facture flottante et molle, et les noirs fourrés d’arbres devant lesquels s’effare le cheval du Voyageur, assez lourdement peints, mais ce sont des œuvres juvéniles, et, malgré ces tâtonnemens, on y sent une précision d’analyse, une recherche de bien rendu après le bien vu, qui n’ont rien à faire avec la littérature.

Chez Huet comme chez Corot, on peut supprimer les figurans ou figurantes, que leur imagination romantique ou classique évoque, par association sentimentale, à leur paysage. Ce paysage n’en reste pas moins vrai, sincèrement contemplé, sincèrement représenté, traduit, expliqué suivant le tempérament de l’artiste dont il a traversé l’âme. Sous ce rapport, Huet n’est pas moins respectable et intéressant que Corot, et il est plus varié. Ces deux grands artistes n’ont nul préjugé. Il leur importe peu qu’on les traite, tour à tour, de révolutionnaires ou de réactionnaires, de classiques ou de romantiques. Parce qu’il y a eu des Valenciennes et des Bidaud, qui ont fait du paysage historique un théâtre de bois peint traversé par des marionnettes, il leur semble absurde que, sous prétexte de vérité, on proscrive absolument, de la plaine, des bois ou de la mer, l’humanité vivante, d’aujourd’hui ou d’autrefois. Et ils le disent, et ils font bien ! Et c’est ainsi qu’en tendant une main à leurs ancêtres et tendant l’autre à leurs descendans, ils associent le passé à l’avenir, et rétablissent, entre les diverses générations d’une même race, ce lien des traditions qu’il est toujours dangereux de briser.

Gustave Planche inaugurait alors, dans la Revue, la série de ses Salons, Il constata la victoire de la jeune école, du paysage