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c’était une intelligence. Et ceux qui l’ont connu ajouteront : C’était un cœur droit, orné des plus douces vertus. » Dix ans après, dans une préface attendrie à un catalogue de quelques œuvres, Ernest Legouvé le comparait, pour le caractère, à ses grands contemporains, constatant, avec finesse, cette extrême sensibilité des yeux, du cœur, de l’esprit, qui ne laissa jamais, chez lui, l’égoïsme professionnel, naturel ou réfléchi, occuper une place prépondérante. « Il n’avait ni le détachement de Corot, ni l’orgueil de Delacroix. Il ne pouvait pas les avoir. Créature essentiellement impressionnable, sensible, je dirais volontiers féminine, il avait besoin du succès, ne fût-ce que pour croire à lui-même… Toute piqûre devait être blessure pour cet être agité, inquiet, surexcité encore par une santé variable. » Legouvé exprimait le désir qu’un jour on pût réunir, en les empruntant aux Musées et aux collections particulières, un ensemble plus significatif de ses travaux, peintures, aquarelles, gravures. C’est ce qu’on a essayé de faire aujourd’hui.

Les querelles tapageuses entre classiques et romantiques, romantiques et réalistes, réalistes et impressionnistes, sont peut-être assez calmées pour qu’on puisse rendre justice à tous les artistes qui ont fait l’honneur du XIXe siècle, sous quelque drapeau qu’ils aient combattu. La plupart, d’ailleurs, s’y trouvèrent, comme Huet, enrôlés de force, par cet étrange et absurde besoin de classifications tranchées qui oublie toutes les complexités fatales et fécondes de l’activité humaine pour donner satisfaction à l’ignorance simpliste des foules autant qu’aux habitudes formalistes de la critique pédantesque et de l’enseignement scolaire.

Nous avons sous les yeux 217 peintures, 136 aquarelles, pastels, dessins et quelques spécimens des eaux-fortes et lithographies. C’est plus qu’il n’en faut pour savoir si les contemporains de Huet, artistes, écrivains, critiques, se sont trompés en l’acclamant comme le rénovateur du paysage français, comme l’un de ceux qui, dans son évolution, avaient marqué une des étapes les plus glorieuses. Pour être juste, il faut, d’abord, ne point éparpiller son attention sur un certain nombre de petites toiles, d’époques diverses, ébauches, préparations ou redites, d’une valeur fort inégale. C’est le fond d’atelier qu’on est toujours obligé d’accueillir en des groupemens de ce genre. Documens instructifs, d’ailleurs, d’un vif intérêt pour notre curiosité