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désintéressée. Il n’en reste pas moins que cette destination utilitaire leur impose un certain assujettissement. Ils se sentent tenus, et ils le sont en effet, de donner satisfaction à un besoin d’instruction qui a ses exigences et ses limites déterminées. Une Faculté manquerait au premier de ses devoirs, si elle n’enseignait pas ce que ses étudians sont obligés d’apprendre. Cela étant, on conçoit l’intérêt que presque toutes les sciences peuvent avoir à ce que certaines de leurs parties soient enseignées, sinon toujours, du moins quelquefois, dans des conditions tout à fait différentes de celles-là, c’est-à-dire sans autre considération que celle de leur valeur propre. Il est bon, il est nécessaire même, à certains momens, que tel ou tel ordre de recherches, qui serait à l’étroit dans un cours d’ensemble, puisse en être détaché et qu’il devienne, pendant un certain nombre d’années, la matière d’un enseignement distinct, ayant pour fin unique d’en assurer librement le progrès. Ceci encore est dans le rôle du Collège de France. Les enseignemens de ce genre ne sont pas par nature des enseignemens spéciaux, comme les précédons. Ce sont plutôt des enseignemens détachés et « spécialisés » pour un temps indéterminé.

Un troisième groupe pourrait être constitué avec certains enseignemens « synthétiques. » Il faut entendre par là des enseignemens généraux, embrassant un très vaste domaine, dont les parties forment ailleurs autant de matières d’études distinctes. S’il est utile, par exemple, que l’histoire de chacune des grandes religions de l’humanité soit exposée séparément, on comprend aisément quel profit peut être tiré d’une comparaison entre ces religions, aboutissant à y découvrir certains caractères communs, à mettre en lumière des élémens constitutifs qui appartiennent à certains groupes, à en suivre les variations, à en faire ressortir enfin les convergences ou les divergences, selon les cas. Et ce qui est vrai des religions l’est également des sciences, des littératures, des législations et de la plupart des grands faits intellectuels et sociaux. Il est indispensable que ces larges synthèses aient une place assurée dans un enseignement supérieur qui vise à être complet. Mais, d’autre part, si l’on songe aux qualités d’esprit vraiment exceptionnelles qu’elles exigent, à la variété de connaissances sans lesquelles elles dégénéreraient vite en déclamations creuses, on se convainc qu’il serait impossible et en tout cas fort imprudent de leur