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vulgarisation, il devient impossible d’exiger de ses maîtres qu’ils soient tenus à parler chaque année pendant le même nombre d’heures. C’est affaire à chacun d’eux d’organiser son enseignement sous sa propre responsabilité, en vue d’un résultat vraiment utile. Le contrôle nécessaire appartiendra à l’Assemblée du Collège, au ministre et finalement à l’opinion publique. Ce sera le devoir des professeurs de faire en sorte que les hommes sans parti pris rendent justice à leur œuvre individuelle et collective.

Mais la recherche scientifique, telle qu’on l’entend aujourd’hui, ne peut guère se confiner dans l’enceinte d’un établissement quelconque. Elle doit nécessairement s’étendre au loin, partout où s’étend le domaine de la science elle-même.

En d’autres termes, il est indispensable que le travail du laboratoire, de la bibliothèque ou du cabinet d’études se complète par des missions. Tel savant qui étudie les langues anciennes ou actuelles de l’Afrique, de l’Asie ou de l’Amérique ne peut se passer aujourd’hui de voyager et de séjourner dans les pays où elles sont nées, où elles ont laissé des traces, où quelques-unes sont encore en usage. L’archéologue, l’historien, le sociologue, le naturaliste sont obligés d’aller au loin s’approvisionner d’observations, de renseignemens, d’impressions vives et directes, s’ils n’entendent pas se réduire à un enseignement purement livresque. Les professeurs du Collège de France, voués à la science pure et plus libres d’obligations sédentaires que ceux des Universités, doivent être particulièrement prêts à ces explorations lointaines. Le nouveau règlement a inscrit les missions parmi les formes prévues de leur activité. C’est là un fait de la plus haute importance. Peut-être, ne produira-t-il pas immédiatement toutes ses conséquences ; car, pour passer du principe à l’application pratique, il est possible que les ressources matérielles fassent encore défaut. N’importe. Les idées justes ont en elles-mêmes une force qui les rend efficaces tôt ou tard.


IV

Le rôle du Collège de France, ainsi conçu, est si naturel et si nécessaire que le développement universel de la science est