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Mais cette débilité, qui le livre sans défense aux suggestions de ses sensations et de ses passions, le livre aussi sans résistance aux conseils et aux leçons de ceux qui l’entourent. Si ces conseils sont mauvais, sa maladie s’aggravera rapidement, deviendra incurable et il n’y aura plus rien à espérer. Si ces leçons sont bonnes, bien adaptées à son état d’esprit, au degré de son intelligence et à la force de ses facultés, il pourra, au moins dans beaucoup de cas, montrer que, s’il est insocial, il n’est pas irréductiblement antisocial ni définitivement insociable ; s’il est inéduqué, il n’est pas inéducable ; s’il est amoral, il n’est pas nécessairement immoral et peut encore être moralisé.

Mais, pour obtenir ce résultat, il ne faut pas seulement entourer le demi-fou ou le candidat à la demi-folie d’une atmosphère de très haute moralité ; il ne suffit pas de lui enseigner la morale élevée sans obligation ni sanction qui suffit à faire vivre honnêtement les hommes à l’esprit élevé et fort pénétrés de l’importance et de la valeur de l’idée du bien en soi.

A nos pauvres malades débiles du psychisme, il faut enseigner des règles et des lois de morale extrêmement précises. Il faut surtout leur en montrer et leur en faire comprendre le caractère hautement obligatoire, en dehors de toute sanction judiciaire. Il faut leur donner l’idée de devoir.

Il ne suffit pas de leur enseigner ce qui leur est utile, ce qu’ils doivent faire dans leur propre intérêt bien compris, dans l’intérêt de leur famille ou de leur pays ou même dans l’intérêt de l’espèce. Ces considérations, comme les règles d’une saine hygiène, ne seront pas suffisantes pour entraîner et déterminer les actes d’un demi-fou.

À ce débile, que la passion sollicite avec fureur, qu’importe l’intérêt de la patrie ou de l’humanité ? Pourquoi aurait-il le respect du drapeau ou de la vie humaine ? Il désertera ou assassinera, plutôt que de se priver d’une jouissance immédiate s’il se croit assuré d’échapper à la répression.

À ces malheureux il faut enseigner des lois morales qui apportent avec elles les idées d’obligation et de sanction, autres que l’obligation par le gendarme et la sanction par la prison (alors même que celle-ci serait agrémentée de peines corporelles).

À ces malades, si on veut les guérir, il faut donner une haute idée de la dignité humaine, du respect qui est dû à la vie