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De cet ensemble de velléités, de partis pris, de sincérités, se dégage une nouveauté dans les rapports du lyrisme et du sentiment religieux qui semble une des originalités les plus certaines du mouvement poétique de ces vingt-cinq dernières années.


I

Parlant de Chateaubriand, et s’interrogeant sur les rapports de la disposition au lyrisme et du sentiment religieux, Brunetière a posé en fait, qu’il n’y a de poétique que ce qui dépasse le cercle de la vie présente et qui la prolonge au delà de la réalité. À la circonférence de nos certitudes il signale ce « quelque chose d’obscur et d’inquiétant » que n’ont pas réussi à dissiper les efforts conjurés de la science et de la philosophie : « Tout cela, conclut-il, c’est de la Religion, mais c’est aussi de la poésie. »

D’autre part, dans son Rapport sur la Poésie, Catulle Mendès constate que le rationalisme du XVIIIe siècle a dissipé, dans une clarté impitoyablement lucide, l’illusion, le rêve, la beauté des êtres et des choses : « Cet évanouissement du mystère, écrit-il, a eu pour conséquence la quasi disparition de la poésie. »

Presque tous les poètes d’aujourd’hui partagent ces sentimens. On sait que leur ferveur franchit les groupes romantiques et parnassiens pour se rattacher à des maîtres de leur choix. Ils procèdent surtout de Chénier, de Marceline Desbordes-Valmore, de Baudelaire, de Sully Prudhomme, de Verlaine et de Mallarmé.

La jeune école n’a qu’à tourner les yeux vers l’œuvre de la plupart de ces maîtres pour y apercevoir la préoccupation du divin.

La prière se mêlait naturellement aux invocations d’amour, dans les vers de Marceline Desbordes-Valmore. La façon dont elle retouchait, au gré de sa passion, le dogme sur lequel elle croyait s’appuyer donnait déjà de l’ombrage à l’exacte orthodoxie. On semblait prévoir quel usage des poètes feraient, par la suite, d’une piété trop littéraire. Vinet s’indignait : « Dans aucun recueil de vers modernes, écrivait-il, nous n’avons si souvent rencontré des mots sacrés que dans les poèmes de Mme Desbordes-Valmore ; mais jamais aussi nous ne les avons vu profaner d’une manière aussi affligeante. D’autres ont parlé,