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que l’homme a franchi. Sans doute, elle en est encore à l’étourdissement de se sentir libérée des disciplines, des scrupules, que lui imposaient l’inquiétude religieuse, elle n’est pas pressée d’y rentrer. On dirait qu’elle prétend oublier ce qu’elle doit au christianisme : elle se retourne avec élan vers la vie grecque et païenne, elle veut que la passion d’amour soit le but et la fin de tout.

Il est impossible d’apparaître plus dépourvues de religiosité que ne le sont, à l’heure présente, à peu près toutes les femmes poètes dont les vers sont renommés. On sent, chez elles, le frémissement d’un être séculairement surveillé, dirigé, contraint, qui, dès ses premiers bonds, veut atteindre aux limites de la liberté.

Si Mme Gérard d’Houville songe « aux chers jours passés, » c’est pour déclarer qu’alors, elle était « faunesse : »


… J’ai rêvé tout mon rêve et le reste m’est vain,
J’ai chéri la douceur des choses passagères,
La pourpre d’une rose ou l’arome d’un vin,
L’ombre voluptueuse et ses calmes mystères…
… Mon cœur n’a pas cherché le ciel indifférent,
Ni désiré l’espoir d’un inutile leurre.
J’ai supporté, sans lui, ma joie et mon tourment.


Mme Catulle Mendès dispose, en faveur « du jeune dieu Amour, » de la foi qu’elle eut jadis dans « son Dieu. » Elle le nomme sa « part d’infini. » Si elle entre dans une église, c’est, dit-elle, pour poser à l’autel de Jésus :


          …suprême embûche !
Tout mon être blêmi du besoin d’être aimé…


Elle lui confesse :


Je ne réclame pas ton extrême secours,
Ton amour partagé ne saurait me suffire ;
Sur le cœur qui me prend il me faut tout l’empire,
À ton choix trop d’échos en moi resteraient sourds…


Mme de Noailles place, en tête de ses Éblouissemens, cette affirmation tranquille : « Je ne crois qu’aux dieux antiques, qu’à Cybèle, à Minerve, à Junon, aux Nymphes, au jeune dieu Pan : »


… Je crois aux voluptés et je crois à la mort
Qui finit toutes choses…………….