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LE CHÂTEAU DE LA MOTTE-FEUILLY EN BERRY.

l’élection de Jules II de la Rovère, son mortel ennemi, et se rend à Naples auprès de Gonzalve de Cordoue, qui s’empare traîtreusement de sa personne et l’expédie prisonnier en Espagne. Enfermé d’abord dans l’affreuse forteresse de Chinchilla, puis dans celle bien plus affreuse et sombre encore de Médina del Campo, il s’évade de cette dernière prison par la plus folle et la plus audacieuse équipée. Il galope éperdument jusqu’en Navarre. Réfugié en décembre 1506 à Pampelune auprès de son beau-frère le roi de Navarre, il se fait tuer misérablement et héroïquement en mars 1507 dans une escarmouche sous les murs de Viana. S’il faut en croire son érudit historien, Charles Yriarte, ses restes, expulsés vers la fin du XVIIIe siècle de l’église de Santa Maria de Viana, par un évêque fanatique de Calahorra, diocèse dont dépend cette ville, auraient été retrouvés récemment dans la calle ou rue de la Rua, au pied même des marches qui donnent accès à la terrasse sur laquelle s’élève cette église.

Nous ne connaissons malheureusement rien des relations épistolaires qu’entretinrent certainement César et Charlotte, d’abord très fréquemment durant que César triomphait en Italie, puis bien plus rarement, hélas ! alors qu’il expiait ses crimes dans les horribles geôles d’Espagne. Lui, qui aimait tant les femmes, songea-t-il souvent à la sienne dans ses longues et mornes heures de captivité, si dures pour cette âme violente entre toutes ? Nous ne savons rien non plus de la manière dont Charlotte apprit la mort de son époux, très probablement par quelque missive de son frère, le roi de Navarre. Sa douleur fut certainement extrême. Nous ignorons également presque tout de sa vie durant ces sept années et plus qui précédèrent son veuvage.

Dans le courant de l’an 1500, Charlotte avait donné le jour à une fille qui ne devait jamais voir son père. Nous savons seulement après cela que, pour des raisons à nous inconnues, elle quitta bientôt la brillante cour de sa protectrice Anne de Bretagne pour se retirer en Berry, le plus près possible de sa grande amie, la première épouse répudiée de Louis XII, Jeanne de France, qui, après la perte de son procès, s’était réfugiée dans la capitale de cette province. Nous trouvons d’abord Charlotte fixée dans cette ville d’Issoudun dont son mari, par son mariage, était devenu le seigneur. Les revenus du grenier à sel de cette ville devaient compléter, on se le rappelle, les vingt