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ÉPOPÉES AFRICAINES

Après avoir lu mon livre A travers l’Afrique, un ami me disait un jour, écrasé par la quantité des actes héroïques de nos tirailleurs : « Ne m’en racontez plus, je croirais à la fin que vous les inventez. »

Je n’invente pas. Chaque jour voit se produire un de ces faits dignes d’être enregistrés par l’histoire, et que nul ne connaît.

Sait-on seulement le chiffre des pertes que l’armée noire subit en un an ?

Nous nous plaisons en France à répéter que la période de conquête est terminée, sans nous douter que tous les jours on se bat dans cette brousse lointaine, et qu’on y meurt. Pour ne parler que des dernières années, les pertes ont été en 1908 de 341 hommes, en 1909 de 417, en 1910 de 534 ; et de 138 dans les trois premiers mois de 1911.

Ces chiffres ont leur éloquence, ils se passent de commentaires ; mais lorsque je regarde ce monceau de gloire, des noms d’amis en jaillissent, noms d’officiers ou de simples tirailleurs, inséparables les uns des autres, car marsouins et tirailleurs ne l’ont qu’un. L’union des hommes et de leurs officiers est telle, que parler des premiers, c’est parler des seconds.

Certes, la bravoure de nos tirailleurs est innée ; ils l’ont dans le sang. Mais il ne faut pas conclure, et j’ai entendu faire cette supposition, que leur bravoure est indépendante du chef qui les commande, que d’eux-mêmes ils accomplissent des prodiges.

Il en est de l’armée noire comme de toutes les armées ; le chef est indispensable, et surtout le chef français. Mieux que tout autre, le français inspire à ses hommes, avec l’admiration,