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Dans la soirée, un courrier rapide, envoyé du Nord par le chef de Bon Djchiha, annonça qu’un fort rezzou venu du Tafilalet se trouvait dans le Nord-Est.

Le renseignement manquait de précision, il pouvait n’être qu’une ruse de pillards essayant de détourner l’escorte de la protection immédiate de l’Azalay, car le bruit de la présence d’un autre rezzou dans l’Ouest courait également. Les dispositions prises par le capitaine ne furent pas modifiées. Le 16, à 9 heures du matin, 3 sections de la compagnie, 71 méharistes, partaient vers Taoudenni ; une section restait à Araouan, à la garde du poste et des animaux au pâturage, prête à marcher lorsque la caravane s’ébranlerait à son tour.

Le long de la route, les courriers se succèdent ; le rezzou existe, sa direction se précise, le capitaine reconnaît la nécessité d’en purger la région. Des traces ont été relevées dans l’Est, au puits d’Anetis, il décide de s’y porter.

La poursuite d’un rezzou marocain dans le Sahara, c’est une chasse donnée à des voleurs, à des assassins, mais à des hommes braves qui sont des guerriers, plus nombreux et aussi bien armés que leurs poursuivans. C’est une chasse à travers une immensité aride, tantôt au milieu de dunes mouvantes, tantôt en terrain plat, monotone, recouvert de gravier et de cailloux roulés, tantôt sur un plateau largement ondulé, auquel succèdent des collines rocheuses coupées de ravins aux pentes rapides ; et les collines se transforment parfois en montagnes, car l’immense Sahara n’est pas seulement une mer de sable. C’est une chasse de puits à puits commencée sur des renseignemens vagues, des indices plus vagues encore. Le dire d’un habitant oriente les méharistes vers un point d’eau : là, ils découvrent des traces déjà anciennes qu’il faut interpréter, dont ils déduisent la race des anciens occupans, leur nombre, les prises qu’ils ont déjà faites. De quel côté l’ennemi s’est-il échappé ? La piste a été effacée par le vent ou est invisible sur les rochers ! Elle est recoupée par des patrouilles lancées dans toutes les directions. Et la course reprend. Le rezzou se sent menacé, il cherche à donner le change à ceux qui le poursuivent ; il presse sa marche, mais les troupeaux qu’il a razziés l’alourdissent. De leur côté, les méharistes ne peuvent se passer d’un convoi, et quelle que soit leur hâte, eux aussi sont ralentis. Pourtant ils gagnent du terrain, les indices deviennent plus fréquens ; enfin les traces