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pâturages environnans errent 200 chameaux, 300 bœufs, 275 ânes, toutes les prises que les Berabers ont dû abandonner, et que les méharistes vont traîner derrière eux sur la route de retour pour les rendre à leurs propriétaires.

Le capitaine Grosdemange avait mission de couvrir l’Azalay, d’arracher aux pillards le fruit de leurs rapines et de les anéantir, s’il le pouvait. Les deux premiers buts sont atteints, le dernier seul ne l’est pas entièrement ; mais du rezzou il ne reste que des débris, le chef Abiddin est parmi les morts, et les survivans n’ont plus qu’une idée : regagner au plus tôt le Tafilalet.


Maintenant la compagnie rentre à Bou Djebiha ; 16 tirailleurs dorment sous les sables du puits d’Achorat. Le capitaine, au moment de mourir, a prononcé des mots où le lieutenant a discerné le vœu d’être enterré dans le cimetière de Tombouctou ; son corps enseveli dans des couvertures, enfermé dans des sacs de cuir, repose sur un méhari. Chaque Européen, à tour de rôle, veille sur la dépouille dont le tirailleur Mamady Keita, aveuglément attaché à son chef, refuse de s’écarter. Derrière, les 22 blessés cramponnés à leurs selles forment au mort une glorieuse escorte. Glorieuse et triste !

Cette marche est épouvantable. L’état de ces hommes exigerait des soins sur place, tout au moins une allure lente, des précautions minutieuses. Ils ont 400 kilomètres à parcourir a des de chameau, les étapes sont réglées par l’éloignement des puits, il n’y a pas de médecin, et il est nécessaire d’en trouver un le plus vite possible.

Un courrier est parti à cet effet vers Tombouctou, mais le médecin ne rejoindra la compagnie qu’à Bou Djebiha. Jusque-là, les blessés endureront les tortures provoquées par les secousses de leurs montures.

Au passage des dunes mouvementées, ils ne résistent pas aux heurts, aux cahots ; ils tombent à terre, et les tirailleurs valides, déjà épuisés, sont obligés pour les relever de courir d’un bout à l’autre de la colonne. La température elle-même s’ajoute aux souffrances ; un vent glacé souffle qui paralyse les hommes et les animaux, multiplie les faux pas des chameaux, rend les chocs plus sensibles et les plaies plus douloureuses.

Le sergent Rolland prodigue son dévouement ; il fait des pansemens ; mais les médicamens de la compagnie ont été tout