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servi la France sous Louis XIV : il planta notre drapeau sur les murs de Barcelone en 1697 et se distingua à la journée d’Oudenarde : les régimens français de Royal-Alsace, plus tard celui de Royal-Deux-Ponts se recrutèrent en tout ou en partie dans ses Etats et eurent pour colonels des princes de sa maison. Ce bon soldat mourut en 1735 et son fils aîné, alors mineur, Christian IV, acheva son éducation mondaine à Versailles où le cardinal de Fleury témoignait une sympathie particulière à sa Camille.

Christian IV fut un homme intelligent et droit. Né protestant, il se convertit au catholicisme lorsqu’il eut la quasi-certitude de recueillir un jour le riche héritage de l’électeur palatino-bavarois son cousin. Conversion d’inspiration nettement politique ainsi qu’on le voit : elle le laissa donc fort libéral dans ses allures et fort tolérant aux Réformés de ses domaines. Il faisait même partie de la franc-maçonnerie comme tant de personnages princiers vers cette époque. Son portrait par Mannlich, l’artiste dont nous allons feuilleter les Souvenirs, montre une figure allongée, au front légèrement fuyant : les yeux bridés vers les tempes sont d’expression plutôt froide, mais le regard n’est pas dépourvu de finesse. Et en effet les lettres de sa main que son protégé reproduit çà et là dans son récit font honneur à son sens droit, à ses dispositions d’équité bienveillante. Il avait le goût délicat, car les artistes parisiens trouvaient en lui un généreux Mécène[1], et les tentatives expérimentales de la science n’intéressaient pas moins ce prince éclairé qui passait une partie de sa vie dans ses laboratoires.

Il était donc en général aimé autant qu’estimé dans ce Paris qu’il habitait tous les hivers, et son peintre ordinaire, Mannlich, a plus d’une fois rencontré dans ses voyages des personnages de marque qui lui furent coniplaisans par sympathie pour son souverain. A Rome en particulier, notre ambassadeur, le cardinal de Bernis, accueillait le jeune Allemand parce discours significatif : « Vous avez le bonheur d’appartenir, je ne veux pas dire au prince le plus aimable du monde, ce serait une insuffisante expression de ma pensée, mais à l’homme le plus aimable et le plus respectable que je connaisse. Considérez donc ma maison comme la vôtre… » On voit que ce personnage princier eut son

  1. Voyez le journal du graveur J.-G. Wille en particulier (Paris, 1857).