Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/235

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

indiscrètement dans une société où l’on ne veut pas d’eux. Il leur suffit d’être républicains et ils se consolent aisément de ne pas faire partie de la majorité républicaine telle qu’on la délimite artificiellement ; néanmoins, c’est une suprême insolence que de ne pas les y compter, et ils auraient le droit de la relever vertement s’ils n’aimaient pas mieux la dédaigner. Les radicaux-socialistes font sonner très haut les services qu’ils ont rendus à la République, tout en oubliant un peu trop les services que la République leur a rendus depuis une quinzaine d’années qu’ils l’exploitent à leur profit et à celui de leurs amis. On dirait vraiment, à les entendre, qu’ayant fondé la République et l’ayant fait vivre à eux tout seuls, ils ont seuls le droit de se dire républicains. S’ils avaient la mémoire un peu plus longue, ils se souviendraient que les républicains libéraux et modérés comme on les dénommait alors, les progressistes comme on les appelle aujourd’hui, ont grandement contribué au premier établissement de la République. A dire le vrai, on n’aurait pas réussi à la fonder sans eux. Ces souvenirs sont bien effacés maintenant. Laissons-les donc à l’histoire à laquelle ils appartiennent et revenons à la représentation proportionnelle.

Ses probabilités de succès, nous l’avons dit, ont fait depuis quelques jours de grands progrès. Les élections partielles qui ont eu lieu sur plusieurs points du pays éloignés les uns des autres, et qui ont tourné en faveur des partisans de la réforme, y sont certainement pour quelque chose : elles ont prouvé que le mouvement proportionnaliste, qui avait été très marqué au moment des élections dernières, ne s’est ni arrêté, ni même ralenti, et qu’il s’est au contraire accentué. Comment, les élus d’hier, c’est-à-dire les candidats de demain, ne tiendraient-ils pas compte de cet avertissement ? C’est en vain qu’on leur parle des mérites du scrutin d’arrondissement et des immenses services qu’il a rendus autrefois à la République : à supposer que ce qu’on en dit soit vrai, et nous aurions à ce sujet quelques réserves à faire, tout cela n’aurait plus qu’un intérêt rétrospectif. Le scrutin d’arrondissement est condamné. Ceux mêmes qui désirent le plus son maintien n’ont plus le courage de le défendre ouvertement ; ils prennent pour cela des biais et des détours. En lisant par exemple le discours dans lequel M. Augagneur célébrait avec un lyrisme attendri les vertus de la loi électorale actuelle, nous ne pouvions pas nous empêcher de songer à celui que M. Guizot prononçait contre la réforme à la veille de la révolution de Février. Comparer les deux éloquences serait cruel pour M. Augagneur, mais M. Guizot se servait du même argument