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Londres au printemps de 1861. M. Armand Cigongne, ancien agent de change à Paris, avait composé une collection presque exclusivement française. Il recueillait, avec un soin et une persévérance admirables, une merveilleuse série d’ouvrages en vers, de pièces dramatiques et de romans. Il y avait joint des volumes curieux dans tous les genres, de reliures précieuses portant les armes de personnages illustres, des manuscrits qui étaient de vrais bijoux. Non content de collectionner les reliques des amateurs anciens, il avait fait relier lui-même un nombre considérable de volumes. Nul bibliophile moderne n’avait montré aillant de discernement dans le choix des exemplaires, autant de gout dans la décoration extérieure des livres. La réputation de sa bibliothèque était universelle. Aussi le Duc d’Aumale s’efforça-t-il aussitôt d’en devenir possesseur et son mandataire Edouard Bocher fut assez heureux pour conclure, le 2 juillet 1850, l’acquisition en bloc de la collection, au prix de 375 000 francs.

La place manquant à Twickenham pour loger tous ces trésors, le Prince demanda à l’architecte Duban le plan d’une grande salle qui servirait de bibliothèque. La première pierre de ce bâtiment fut posée le 21 avril 1860 ; la truelle d’argent qui servit à cette occasion au Duc et à la Duchesse d’Aumale est conservée au Musée Condé.


VII

Le dernier événement de quelque importance qui soit signalé à la fin du troisième volume de la Correspondance est la candidature possible du Duc d’Aumale au trône de Grèce. Cuvillier-Fleury en parle pour la première fois dans une lettre datée du 30 décembre 1862. Quelques jours auparavant, une grande chasse avait été donnée à Ferrières par le baron de Rothschild. Le bruit courait depuis lors que l’Empereur qui y assistait avait prononcé le nom du Prince pour le trône que rendait vacant le départ du roi Othon de Bavière. « Cela me parait pour le moins extraordinaire, écrivait Cuvillier-Fleury, ce n’est pas une raison pour que ce ne soit pas vrai, si peu vraisemblable que cela soit. Il y a bien de l’imprévu dans les choses humaines. Il y a bien des motifs pour qu’une solution de ce genre fût agréable au Maître. Elle servirait à sa politique et à son renom. » Il n’eût pas été maladroit, en effet, d’éloigner le Duc d’Aumale, de