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pu détruire les constans et tendres témoignages de celui de sa femme. Mais alors qu’il s’abandonnait aux mêmes espérances que sa maîtresse, un événement inattendu allait les précipiter dans une longue suite d’infortunes, transformer en tragédie le beau roman auquel chaque jour ajoutait un chapitre plus enivrant.

Dans la soirée du 16 mars 1792, au bal de l’Opéra de Stockholm, Gustave III était frappé par la balle d’un assassin et, le 29 du même mois, il succombait aux suites de sa blessure.


II

Il n’y a pas lieu de s’attarder ici aux péripéties qui précédèrent la mort du roi de Suède. Il suffit de rappeler qu’Armfeldt figurait parmi les serviteurs fidèles qui reçurent son dernier soupir et qu’au moment de rendre l’âme, le mourant lui donna un suprême et dernier témoignage de sa confiance en exigeant de lui l’engagement formel de veiller sur le petit roi Gustave IV, qui n’avait alors que quatorze ans.

Quant à ses autres volontés, elles étaient exprimées dans un testament olographe daté de 1780, et dans un codicille daté de 1789, par lesquels il confiait la régence à son frère pendant la minorité de Gustave IV, qui ne serait majeur qu’à dix-huit ans. Quelques heures avant de mourir, il avait complété ces dispositions en nommant le baron d’Armfeldt gouverneur général de Stockholm, en ordonnant que le comte Gyldensdolpe, gouverneur du jeune prince, et Rosenstein, son précepteur, ne pourraient être dépossédés de leur charge jusqu’à sa majorité, et enfin en constituant, pour assister le Régent, un conseil compost de quatre membres qui étaient nominativement désignés et parmi lesquels Armfeldt figurait. Mais, soit que l’état du Roi ne lui eût pas permis d’énoncer clairement ses intentions au sujet de ce conseil, soit que le secrétaire d’Etat Schroderein, chargé de les rédiger, les eût mal comprises, elles étaient en contradiction avec le testament antérieur. En outre, la signature qu’avait mise au bas de la pièce la main défaillante du mourant, laissait supposer, tant les caractères en étaient brouillés, qu’au moment de signer, il ne s’appartenait déjà plus. Néanmoins, il est un point sur lequel sa volonté était d’autant moins douteuse qu’il