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désormais sur l’alliance du gouvernement français, devenu la proie des factions révolutionnaires et qu’il voyait dans l’impératrice Catherine l’instrument le plus actif et le pivot le plus solide d’une coalition des puissances monarchiques contre la nation qui voulait les détruire. Avec le concours de cette souveraine, l’Europe parviendrait à rétablir l’autorité royale en France et à écraser le jacobinisme dont l’influence se faisait déjà sentir de toutes parts. Telle était la politique du roi de Suède quand il avait été frappé par la balle d’un assassin. Telle citait aussi celle d’Armfeldt. A l’exemple de son roi, il désirait préserver la Suède de la contagion du fléau qui menaçait tous les trônes.

En dernier lieu, cette politique avait eu pour résultat de faire rappeler à Stockholm le baron de Staël-Holstein, ministre du gouvernement suédois à Paris, à qui le Roi reprochait de s’être montré trop favorable aux idées nouvelles. Si Gustave eût été vivant lorsque cet ambassadeur était rentré en Suède, il l’aurait accueilli par des reproches. Non seulement, Staël n’en entendit pas dans la bouche du Régent avec qui il était lié d’amitié ; mais encore, lorsqu’il eut expliqué sa conduite, elle fut approuvée.

Presque à la même date, le duc de Sudermanie mandait à Stockholm un personnage qui, lui aussi, était de ses amis. Cette amitié, comme celle qu’il avait conçue pour le baron de Staël, était née de leurs fréquentes rencontres dans les séances mystérieuses que tenaient entre eux les membres de la secte des illuminés, à laquelle tous les trois s’étaient affiliés. Ce personnage à qui le Régent songeait à confier la direction du gouvernement se nommait le baron Adolphe de Reuterholm. Ancien chambellan de la reine Sophie-Madeleine et membre de la Diète de 1789, il y avait pris contre Gustave III une attitude résolument hostile. Tombé alors en disgrâce, il avait quitté la Suède pour aller vivre à Paris. Là, il s’était mis en rapport avec les partis révolutionnaires ; il avait adopté peu à peu la plupart de leurs idées en y mêlant celles de la franc-maçonnerie et une sorte de mysticisme moitié religieux, moitié profane, acquis au contact des milieux spirites que depuis longtemps il fréquentait.

Ces idées étaient, à peu de chose près, celles du duc de Sudermanie. Reuterholm, malgré son arrogance et sa vanité, lui était