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le Roi sera majeur. Il sert ainsi, sans le vouloir, les projets de Reuterholm.

Quelles que fussent les idées du « vizir, » aussi bien sur la politique générale qu’en ce qui concernait Armfeldt, elles eurent, dès le début, l’entière approbation du Régent. Il les approuva non pas seulement parce qu’elles étaient conformes aux siennes et parce qu’il avait une confiance illimitée dans les talens du nouveau ministre, mais aussi parce qu’elles favorisaient ses desseins sur la belle Madeleine en tenant Armfeldt éloigne de la Suède. Celui-ci parti, il renouvela sa précédente tentative auprès de la jeune femme. Elle repoussa de nouveau ses offres, sous la forme la plus dédaigneuse. Puis, elle se ravisa. Quoique toujours énergiquement résolue à ne laisser aucune espérance à son adorateur et, comme elle le disait : « à ne jamais s’avilir » en se donnant à lui, elle pensa qu’elle pouvait tirer parti pour son amant de l’ardente passion qu’elle avait inspirée au prince.

Armfeldt, dont l’esprit était aussi mobile qu’agité, caressait en ce moment un nouveau projet. Le poste de gouverneur général de la Poméranie étant devenu vacant par suite de la démission du titulaire, il songeait à s’y faire nommer en abandonnant celui qu’il occupait à Stockholm. Ecrivant au secrétaire royal Schroderein, il lui confiait son désir, en sollicitant son avis et ses bons offices. Schroderein communiqua sa lettre au Régent et à Reuterholm. Ils étaient bien loin de vouloir confier à leur adversaire la haute fonction qu’il cherchait à obtenir. Ils songeaient même déjà à l’envoyer comme représentant de la Suède auprès des cours d’Italie, emploi diplomatique qui, s’il l’acceptait, les délivrerait de sa présence et le ferait oublier. A Stockholm, ce projet n’était plus un secret : on en parlait ouvertement, on y voyait la preuve de la disgrâce d’Armfeldt. Avec une insigne mauvaise foi, ils feignirent d’interpréter sa lettre comme une démission positive de l’emploi dont il était encore investi et contribuèrent à en accréditer le bruit. Ses amis s’inquiétèrent de ces rumeurs et Madeleine de Rudenschold plus qu’aucun d’eux. Depuis le départ d’Armfetdt, elle se consolait de son absence en défendant ses intérêts et, quand il s’agissait de les défendre, elle se transformait en lionne.

A cette heure, elle avait beau jeu pour intervenir. Le duc de Sudermanie ne lui dissimulait plus ses convoitises. Tel était le