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de celui-ci. Promptement captivé par la beauté de la princesse, « personne ravissante, aimable et douce, douée d’une voix de rossignol, » il lui avait fait entendre des paroles d’amour. Ecoutées avec complaisance, elles devaient nécessairement aboutir à une de ces liaisons que le volage amant de Madeleine de Rudenschold était toujours prêt à greffer sur ses autres attachemens.

Rien ne prouve que cette flamme amoureuse ait été couronnée à Aix-la-Chapelle. Ce qui est plus certain, c’est qu’en se séparant dans cette ville, la princesse et Armfeldt s’étaient donné rendez-vous à Vienne et que, là, il fut consolé de son isolement et de ses déboires par les témoignages du plus tendre dévouement. Il était destiné à en savourer la douceur plus d’un jour. Quelques mois plus tard, quand il résidait à Naples, il en jouissait encore et leur dut son salut dans une circonstance où sa liberté et sa vie étaient en jeu.

A Vienne, la princesse Mentschikoff le présenta dans la haute société dont elle était une des reines. En peu de jours, il fut l’homme à la mode, dans le monde russe surtout. Tout contribuait donc à lui inspirer le désir et l’espoir de se créer en Russie une situation assez brillante pour le dédommager d’avoir perdu celle qu’il occupait en Suède avant la mort de Gustave III. Dans la capitale autrichienne, il avait retrouvé le comte Razomowski, ambassadeur de l’impératrice Catherine, une de ses anciennes connaissances. Ce diplomate l’entretenait dans ses intentions. D’ailleurs, Armfeldt se rappelait qu’à Stockholm, le comte de Stackelberg lui avait donné l’assurance du bon vouloir qu’était disposée à lui témoigner la souveraine moscovite. Fort de ce souvenir et sur les conseils de Razomowski, il écrivait à celle-ci pour lui faire part de ses vœux.

« Du moment, lui disait-il, que la conservation purement passive d’un emploi quelconque pourra être interprétée comme une approbation des infortunes et du déshonneur de mon pays, je m’empresserai de me débarrasser de tout et de solliciter de Votre Majesté Impériale un asile dans ses Etats. »

Cette lettre fut confiée à l’ambassadeur qui s’était chargé de la faire parvenir à son adresse. L’Impératrice y répondit le 11 mai. Après avoir remercié et complimenté Armfeldt des sentimens qu’il lui avait exprimés, elle ajoutait :

«… Si les événemens de la vie vous conduisent dans mes