Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/394

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Moussa, un Arabe du Yemen, de haute figure et d’indomptable énergie.


N’ayant pu prendre Zouara, les Italiens, vers la mi-avril, s’emparèrent de Bou Kamech, un fortin délabré, encore plus voisin que Zouara de la frontière tunisienne.

Ils avaient mobilisé 27 bâtimens de guerre : croiseurs, contre-torpilleurs et torpilleurs, pour convoyer les 11 chalands qui transportaient 12 000 hommes de troupe.

Pendant plus d’une semaine, ils croisèrent en vue des côtes. Le canon tonna presque sans discontinuer d’un mercredi à midi au vendredi soir.

Tandis qu’une partie de leurs bâtimens faisaient une diversion sur un autre point pour y attirer l’adversaire, ils parvinrent finalement à débarquer tout leur effectif a Bou Kamech, qui n’était point défendu.

Mais les premiers jours, ils n’y laissèrent pas plus de 150 hommes.

Felih bey, avec lequel je me trouvais alors, envoya aussitôt ses bandes pour cerner le fort. Il était assuré de la prompte reddition de cette poignée d’Italiens ; et, pour éviter un massacre général, il avait élevé à 15 livres turques (plus de 300 francs) la prime pour chaque prisonnier vivant.

Je conserverai le souvenir de la nuit pleine d’intérêt et d’émotion que je passai non loin de lui, dans une oasis voisine de Zouara.

La nuit était chaude et pesante ; de grosses étoiles scintillaient à travers les palmes ; partout des grillons lançaient leur note sonore et cristalline ; un chien se lamentait au loin.

Je me tins continuellement sur le seuil de ma tente. J’entendais par momens les appels du tambour destinés à rassembler les partisans épars dans la région, et j’apercevais sur un tertre la silhouette immobile de l’officier qui attendait le relourde ses estafettes.

J’admirais l’énergie de cet homme qui venait de rester à cheval trente heures, à peine interrompues par les repos indispensables, qui relevait d’une grave maladie et qui passait encore sa nuit à veiller, prêt à partir de nouveau si l’événement l’y contraignait. Je ne pouvais en détacher mes yeux et j’attendais avec une curiosité grandissante l’arrivée d’un émissaire.