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je ne vis pas assez longtemps pour mener cette tâche à bonne fin, je chercherai à tirer au clair au moins les premiers âges de notre histoire et la période hussite. Il est révoltant de constater à quel point on est ignorant, en Bohême de même qu’à l’étranger, de l’héroïque passé de notre patrie. »

Lorsque, une année après, il vint se fixer à Prague, son plan était définitivement arrêté. Les premiers dix ans se passèrent en recherches dans les archives. Le jeune savant entreprit plusieurs voyages en Italie, en France et en Allemagne. Il exhuma de précieuses généalogies, mit en ordre le premier cartulaire[1], publia un grand nombre de documens historiques. Ses travaux : Scriptores rerum bohemicarum et Würdigung der alten bœhmischen Geschichtschreiber, puis quelques monographies qu’il écrivit pour plusieurs grandes familles nobles, — les Sternberk, les Kinsky, les Cernin, les Martinice, — auxquelles il fut présenté par le maître qui l’avait initié à la paléographie, le vieux Dobrovsky, lui valurent les laveurs de la noblesse bohème, effleurée par le souffle libéral venant de l’Occident. Les Etats de Bohème le nommèrent, en 1827, historiographe du royaume de Bohême. Le premier volume de l’Histoire du Peuple tchèque, écrit en allemand, parut en 1836. L’édition tchèque ne fut prête qu’en 1848. Les autres volumes, au nombre de cinq (dix fascicules), suivirent à des intervalles de huit à dix ans. Le dernier volume parut en 1870, peu de temps avant la mort de l’auteur. L’œuvre s’arrête à l’avènement des Habsbourg, en 1520.

Les chapitres les plus remarquables, palpitans de vie et écrits avec une chaleureuse éloquence, sont ceux qui se rapportent aux événemens du XVe siècle : la lutte héroïque de la Bohême, soulevée comme un seul homme pour la défense des doctrines du prédicateur de la chapelle de Bethléem, Jean Huss ; la défense de la nation contre l’envahissement germanique ; le règne de Georges de Podiebrad.

Palacky possédait la maîtrise pleine et entière de tous les

  1. Après lui, Emler et Erben publièrent les Regesta, qui vont jusqu’à 1346. Les documens les plus importans, postérieurs à cette date, ont été reproduits par Friedrich : Codex diplomaticus et epistolaris regni Bohemiæ. Nombre de documens furent publiés dans l’Archio èesky, revue fondée par Palacky, et par l’Académie tchèque.