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écrivant son histoire fut de donner aux aspirations nationales une base solide : le droit historique.

Les historiens tchèques venus après lui, Tomek, Gindelly, Erben, Emler, Kalousek, Goll, s’attachèrent à faire mieux connaître, d’une part, les institutions urbaines et les tendances de la bourgeoisie, — telle fut l’œuvre de Celakovsky, qui écrivit le Corpus juris municipalis regni bohemiæ, de Winter, etc., — et d’autre part, ils s’efforcèrent de dissiper la nuit qui enveloppait le sort des paysans et des classes asservies. Parmi ces derniers historiens prennent rang Kalousek et Pekar. Palacky, ayant été nommé historiographe par les Etats, donna une place peut-être trop large, dans son histoire, aux classes privilégiées, laissant dans L’ombre la bourgeoisie et les ruraux.

Parmi les historiens étrangers qui ont écrit des livres d’histoire sur la Bohème, le plus en vue est le très distingué professeur à la Sorbonne, M. Ernest Denis, dont les volumes : Huss et la guerre des Hussites, Georges de Podiebrad, les premiers Habsbourg, les Origines de l’Unité’ des Frères Bohèmes et La Bohême depuis la Montagne Blanche, ont été traduits en tchèque.


Le premier effet de l’influence de Palacky et de l’école historique qu’il avait créée fut de rallier à la cause nationale tchèque les Etats de Bohème. S’étant décidés à revendiquer, à l’exemple des Etats hongrois, la restauration de leurs libertés et prérogatives, ils demandèrent, en 1842, à Palacky de les instruire sur la Constitution de 1627. Plus tard, ils appuyèrent de leurs voix les aspirations des patriotes tchèques à la Diète, espérant reconquérir, avec la restitution de la Constitution, leurs anciens droits.

Quand Palacky fut appelé en 1848 à la vie politique, il formula le programme national de la Bohème et posa nettement la question tchèque. Il voulait que l’Autriche, forte à l’extérieur, fût, à l’intérieur, la puissante égide sous laquelle vivraient les nationalités réunies sous le sceptre du souverain Habsbourg. Chacune de ces nationalités devait jouir de la liberté de se développer selon l’esprit et les traditions de sa race. La victoire exclusive d’une nationalité sur l’autre serait, à ses yeux, le signe avant-coureur du morcellement et de la ruine de la monarchie.

Au cours de cette mémorable année 1848, Palacky fut deux fois invité à entrer dans le Cabinet de Sa Majesté comme