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verum de 1791, qui d’ailleurs n’est pas sans le rappeler singulièrement, — Mozart n’est parvenu à réaliser, à l’aide des procédés tout mondains de la musique de son temps, un idéal nouveau du chant religieux, traduisant l’émotion d’un cœur chrétien en présence de la Vierge, comme d’autres œuvres, instrumentales ou vocales, traduisent les émotions de l’amour ou de la souffrance profane. » Et puis il n’est pas jusqu’aux paroles, latines, qui ne donnent à cette composition de Mozart un sens particulier, un intérêt biographique, une valeur d’âme en quelque sorte autant qu’une valeur d’art. « Sainte Marie, mère de Dieu, je vous dois tout ; mais, à partir de ce moment, je me voue expressément à votre service, et vous choisis pour ma patronne et ma gardienne. Votre honneur et votre culte ne s’effaceront plus de mon cœur ; jamais je ne les abandonnerai ni ne les laisserai violer par d’autres personnes dépendant de moi, ni en paroles, ni en fait. Sainte Marie, accueillez-moi miséricordieusement, prosterné à vos pieds. Protégez-moi dans la vie et me défendez à l’heure de la mort. Amen. »

Quand il écrivit ce morceau religieux, en l’honneur de la Vierge, Wolfgang n’avait pas encore accompli sa vingt-deuxième année. Il se préparait à quitter encore une fois Salzbourg, le 23 septembre, pour commencer, en compagnie de sa mère, le grand voyage qui devait, par Munich, Augsbourg et Mannheim surtout, le mener, ou le ramener à Paris. On sait, par d’autres documens, qu’il était, à cette époque, engagé dans une congrégation ou une confrérie « mariale. » Dès lors on comprend, on goûte même, à la veille du jour où le jeune et pieux pèlerin allait se remettre en route, la beauté, la ferveur et la dévotion de cette « harmonieuse prière, » véritable consécration à la Vierge, des vingt ans de Mozart.

Ainsi, dans ce livre, chaque œuvre de Mozart, analysée en soi, comme pure musique, est traitée encore comme élément de biographie, mais d’une biographie surtout intérieure et psychologique, où l’esprit et l’âme ont plus de part que les événemens. MM. de Wyzewa et de Saint-Foix ont intitulé leur étude : Mozart, sa vie musicale et son œuvre. Le titre ne ment pas : c’est bien en musique que l’on voit ici vivre Mozart. De quelle vie ondoyante et diverse, nous avons essayé de vous en donner l’idée. Lisez le livre pour en avoir le sentiment et presque la sensation. Il n’est pas un genre musical où ne se soit essayée, illustrée l’Enfance et la Jeunesse de Mozart. Musique d’opéra, de concert, de chambre, d’église, à quoi Wolfgang, à vingt ans, n’avait-il pas touché de ses mains légères, de ses divines mains ! Pour lui, par lui, tout devenait musique, parce que tout était musique en lui.