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Rien, fût-ce un repas, ne lui paraissait indigne d’être accompagné, d’être honoré, d’être embelli pas les sons. Il a composé des « musiques de table » destinées aux festins que donnait le prince-archevêque de Salzbourg. C’était des « divertissemens, » ou de simples « entrées pour trompettes et timbales, » accompagnées parfois de deux flûtes, annonçant d’autres « entrées, » celle des hôtes et celle même, non moins solennelle, des plats. Et puis, quand le jeune Wolfgang avait rempli de ses chants les salles de fête et de théâtre, les églises et les chapelles, le palais des grands et la maison de Dieu, son génie débordant s’échappait au dehors. Les places, les rues de Salzbourg résonnaient de ses « musiques de plein air, » et les sérénades de Mozart faisaient la ville de Mozart harmonieuse, dans l’ombre claire des nuits d’été

Ce livre même, écrit à la gloire du maître, est une harmonie, un perpétuel concert. Les citations musicales y sont en si grand nombre que non seulement on le lit, mais on l’écoute. On l’a fermé depuis longtemps, que l’on croit toujours l’entendre. Il laisse en nous l’impression, l’écho, ou plutôt mille échos d’une fête sonore, d’une fête exquise, et la jeunesse de Mozart continue de chanter à nos oreilles. En son langage familier et mystique, il nous souvient qu’un jour Gounod nous disait : « Mon enfant, quand j’entrerai — si j’y entre, comme je l’espère, — au Paradis, je saluerai d’abord le bon Dieu. Mais après, tout de suite après, je demanderai : Maintenant, et Mozart ? Où est Mozart. » Dès ce monde, en attendant l’autre, le lecteur sait désormais où trouver Mozart, le jeune Mozart.


CAMILLE BELLAIGUE.