Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/475

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’apparentement et la prime à la majorité resteront les deux tares de la loi : ils ne valent guère mieux l’un que l’autre et leur accouplement dénature, sophistique et corrompt une réforme qui, si elle avait abouti dans d’autres conditions, aurait grandement honoré la Chambre et le gouvernement.

Mais on fait ce qu’on peut et nous aurions tort sans doute de nous montrer trop difficiles. La composition de la Chambre actuelle ne permet pas de faire mieux. La réforme ne sera pas parfaite, loin de là ; elle sera tout de même une amélioration sur l’état présent. Nous espérons du moins que les choses tourneront ainsi, mais rien n’est terminé. Les dernières convulsions sont quelquefois terribles et les arrondissementiers nous réservent peut-être encore des surprises. Et puis, il y a le Sénat, qui ne dit rien et n’a rien à dire pour le moment, mais qui parlera demain. Au fond, il est peu favorable à la réforme. Devant lui, comme devant la Chambre, le gouvernement aura besoin de tout son sang-froid, de toute son énergie.


Une autre discussion importante a eu lieu au Palais-Bourbon. Il s’agissait du Maroc : le traité qui établit sur lui notre protectorat était soumis à la Chambre. Une discussion sur le Maroc, après tant d’autres dont les dernières sont d’hier, ne devait pas nous apporter des lumières nouvelles ; toutefois la Chambre a entendu plusieurs bons discours : un de M. Barthou qui a remplacé M. Deschanel à la présidence de la Commission des affaires étrangères, un autre de M. Poincaré, et il serait injuste de ne pas faire mention de celui du rapporteur de la loi, M. Long, plein de détails précis et de conseils sensés. L’effet utile de ces discours a été la mise au point d’un certain nombre des questions pendantes : on ne pouvait pas en attendre davantage, car la situation ne se transforme pas toutes les six semaines.

M. Barthou et M. Poincaré ont été d’ailleurs à peu près d’accord sur tous les points et ils se sont montrés fort prudens tous les deux dans les appréciations qu’ils ont faites, soit du présent, soit de l’avenir. M. Barthou, qui venait d’étudier pour la première fois la question avec le supplément d’informations que lui donne sa situation parlementaire officielle, a qualifié de grave l’état actuel du Maroc. La Commission du Sénat, ayant eu l’occasion d’entendre M. le ministre des Affaires étrangères, lui a demandé ce qu’il fallait penser de ce mot et M. Poincaré a répondu qu’au mot grave il substituerait volontiers celui de sérieux qui a le même sens, un peu atténué. Que l’état du Maroc soit grave ou seulement sérieux, il mérite toute notre attention.