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le Souverain, sentant sa responsabilité engagée, aurait fait approvisionner ces places et l’armée dans le minimum de temps. La plus grande activité s’imposait d’ailleurs, dès la première heure des hostilités : elle serait restée des plus productives, parce que le chef, choisi et qualifié pour ordonner, l’aurait entretenue et soutenue avec méthode et réflexion. Les effectifs, déjà si faibles dans nos unités d’infanterie, n’auraient pas, dès le commencement, subi des prélèvemens de combattans, néfastes et déplorables, au profit de l’administration de l’armée dont l’outillage laissait à désirer ; on aurait assuré les services administratifs par d’autres moyens, tels que les réquisitions, auxquelles il fallut forcément recourir par la suite en improvisant du train auxiliaire.

Quand une guerre, comme celle de 1870, éclate brusquement et, si on le veut, en coup de tonnerre, le premier moment de surprise, voire même de saisissement, est admissible. Mais on doit se reprendre et surtout se reprendre vite.

En résumé, l’unité de vues, jointe à l’unité de direction, permettaient seules de résoudre le problème qui surgissait, troublant la quiétude d’esprit et un peu aussi l’insouciance générale ! Sous une bonne impulsion, nous serions certainement arrivés à la production rapide, quoique laborieuse, de tous les efforts commandés par les circonstances.

Rien de cela n’a été réalisé !

Qu’en résulta-t-il ?

Chacun des chefs des groupes importans, lancés précipitamment a la frontière, et répartis sur notre front de longueur démesurée, resta, durant des jours si précieux, dans une attente passive et incertaine des événemens, c’est-à-dire des manifestations d’attaque du côté adverse. Les Allemands, qui pendant ce temps n’étaient pas inquiétés, eurent tous loisirs, toutes facilités, pour se mobiliser, pour se concentrer, puis pour choisir enfin les points d’où ils pouvaient avantageusement fondre sur nous. Nous n’arrivions même pas à être renseignés comme il convenait, sur les projets d’irruption de l’ennemi sur notre territoire ; nous n’avons pas connu en temps utile les points qu’il choisissait pour franchir la frontière ; nous aurions dû savoir, et nous aurions pu tout au moins chercher à mieux agir.

Comme conclusion, et l’on ne saurait trop insister à cet égard, il nous aurait fallu, avant tout et par-dessus tout, un chef