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Le 17 août au matin, nous exécutions donc, ainsi que cela avait été absolument prescrit, le mouvement de repli, qui pour nous était sur Amanvillers, Saint-Privat. C’est de cette opération néfaste que résulteront tous nos désastres !

Elle était, selon le maréchal Bazaine, motivée par la nécessité de se rapprocher de Metz, afin de se ravitailler plus aisément en vivres et en munitions.

Bien pauvres motifs ! L’idée dirigeante qui aurait dû l’emporter sur toutes autres considérations, eut été de reprendre résolument l’offensive, le 17 dès l’aube, en profitant de notre succès du 16. Nous aurions rejeté sur la Moselle notre ennemi empêtré dans des ravins difficiles. Nous aurions pu transformer sa retraite en une complète déroule.

En tout cas, puisque cette idée si naturelle était écartée, pourquoi ne se portait-on pas franchement dans les directions Elain, Briey ? Nous n’aurions pas cessé alors de rester en communication avec Metz et Thionville, nous aurions encore pu nous y ravitailler rapidement, tout en nous appuyant sur l’Argonne et en faisant plus tard notre jonction avec Mac Mahon. Les désastres de Sedan et de Metz eussent été évités et le sort de la campagne fût peut-être resté finalement à notre avantage.

Pour justifier encore, si possible, son repli sur Metz, cette place, disait le maréchal Bazaine, eût été investie et bombardée aussitôt après notre départ : elle n’eût pas tardé à succomber, puisque ses forts incomplètement armés et mal approvisionnés auraient été hors d’état de résister efficacement.

Ce sont ces faibles raisons, données pour masquer de l’impéritie et un manque de résolution, qui ont en tout cas fait perdre de vue que le sort d’un pays se résout par la lutte en rase campagne et non pas en s’accrochant à une place que l’ennemi finit par encercler et bloquer.

Il aurait fallu penser à la capitulation d’Ulm.

Reprenons maintenant les faits, tels qu’ils se déroulèrent par la suite.

La division de Cissey avait l’ordre de venir s’établir le 17, sa droite à Saint-Privat, sa gauche à Amanvillers. Elle installait donc son bivouac dans la matinée. Vers 4 heures du soir, le corps de Canrobert (6e) se plaçait à notre droite ; l’extrême-gauche du 0e corps était installée dans le village même de Saint-Privat.