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à partir de cette date, un certain nombre de chevaux d’artillerie vi de cavalerie, afin d’assurer le service de distribution de la viande aux troupes.

Depuis longtemps déjà, il ne nous reste plus que du cheval à manger !

19 septembre. — Nous recevons l’ordre d’utiliser les feuilles de vigne et d’arbres encore existantes, pour assurer la nourriture des chevaux qui nous restent.

20 septembre. — Un ordre général réduit d’une quantité très notable les rations de sel, sucre et café.

23 septembre. — Un parlementaire prussien amène dans la journée, pour franchir nos lignes, un homme aux allures mystérieuses, qui se dit envoyé diplomatique auprès du maréchal Bazaine.

C’était le célèbre Régnier, comme nous le sûmes plus tard !

Il nous parait, dès l’abord, très peu au courant des usages diplomatiques, car il avait pris, pour drapeau de parlementaire, une chemise attachée au bout de son parapluie.

C’était un bavard et un incohérent, qui, à première vue, n’avait pas l’air sérieux et ne paraissait pas susceptible d’inspirer confiance.

Le capitaine Garcin, de l’état-major de la division, chargé de le conduire en voiture, les yeux bandés, au maréchal Bazaine au Ban Saint-Martin, avait tout de suite remarqué ses allures étranges et assez louches, pendant le trajet depuis Longeville-lès-Metz ; il avait eu de la peine à l’amener à se taire et à se dispenser de réflexions formulées à haute voix.

Après avoir eu un entretien secret d’une certaine durée avec le maréchal, ledit M. Régnier fut reconduit, sur sa demande et -d’après l’ordre du maréchal, directement à nos avant-postes de Moulins-lès-Metz.

Il était sûr, affirmait-il au capitaine Garcin, de pouvoir repasser nos lignes sans difficultés, car c’était, d’après lui, entendu avec les Allemands ; ils l’en avaient assuré au moment où il venait à nous. Mais la chute du jour se produisait quand nous fûmes à proximité des avant-postes ennemis, une grêle de balles fut la réponse aux sonneries du trompette qui accompagnait les parlementaires.

M. Régnier, qui ne se souciait nullement d’être tué ou même