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s’en allait à Washington faire son déménagement, — son déménagement pour Rome ; même, dans certains cercles protestans de Berlin, l’on se demandait avec inquiétude si quelque nonce, un beau matin, n’allait pas survenir sur les bords de la Sprée. Car on apprenait coup sur coup que Mgr Korum, l’évêque du « jésuitisme, » faisait à Trêves une entrée triomphale ; que Puttkamer, devenu ministre de l’Intérieur, prodiguait aux ordres hospitaliers toutes les facilités susceptibles d’aider leur recrutement, que les novices commençaient d’y affluer, — on devait, peu de mois après, en compter 700, — et que des processions catholiques, autorisées par une récente circulaire du même ministre, recommençaient de circuler dans certaines villes prussiennes. Avec une malveillance alarmée, on appelait l’époque où l’on était entré l’ère Korum, et l’on s’attendait, parmi les ennemis de Rome, à toutes les abdications de Berlin. Les Grenzboten essayaient d’un langage rassurant, niaient formellement que l’État se laissât glisser aux pieds du Pape, et prétendaient que, tout au contraire, le Pape renonçait à cette maxime : « vaincre avec le Centre, » et que c’était là pour Bismarck un succès. Le chancelier lui-même, recevant le prince de Hohenlohe, lui disait : « Il n’a jamais été question de nonciature, ni d’un contrat réciproque entre Rome et Berlin. Je compte donner satisfaction aux catholiques prussiens en pourvoyant les évêchés et en me montrant généralement conciliant, et je m’en tiendrai là. »

il continuait, en effet, de concert avec Rome, de faire des évêques ou d’y travailler : à Breslau, pour l’instant, on se contentait d’un vicaire capitulaire, parce que la Prusse, voulant tenter, peut-être, d’installer sur ce siège le cardinal de Hohenlohe, refusait la liste de noms présentée par le chapitre ; mais l’on nommait, à Fulda, Mgr Kopp, qui dans son premier mandement épiscopal exprimait sa confiance de voir bientôt tomber toutes les chaînes de l’Eglise et qui devait lui-même quelques années plus tard avoir la gloire de briser les plus lourdes.


VI

Les catholiques, cependant, n’estimaient pas, quoi qu’espérât Bismarck, que ce fût là pour eux une satisfaction, et ils continuaient de demander : Jusques à quand nos jeunes prêtres seront-ils exclus des presbytères, et des confessionnaux, et des