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avait donné lieu, dans les rues de Rome, le transfert du corps de Pie IX, les prélats se demandaient si l’Italie royale serait une meilleure protectrice pour la sécurité du pape vivant qu’elle ne l’avait été pour l’auguste et inoffensive dépouille du pape défunt, et si Léon XIII ne devait pas quitter Rome ; on ajoutait que peut-être il allait s’installer à Fulda, et que le cardinal de Hohenlohe, que l’on voyait rôder en Allemagne, était peut-être venu comme fourrier. On s’attardait aux faux bruits, on se repaissait de légendes, faute de savoir exactement quelle était la page d’histoire que le chancelier s’apprêtait à écrire.

A peine le Reichstag fut-il rassemblé, qu’un indiscret questionneur se leva. C’était Virchow en personne, Virchow, qui avait baptisé le Culturkampf et tenté de faire croire à l’Allemagne et au monde que l’enjeu de cette bagarre n’était rien de moins que la civilisation. Allant tout droit à la question capitale, il demanda au chancelier : Est-il vrai que l’Empire et le Saint-Siège se rapprochent ? Bismarck, dans sa réponse, justifiait l’intention qu’avait la Prusse, de rétablir un poste diplomatique auprès du Pape ; et il admettait comme possible, dans l’avenir, que ce poste put devenir un poste d’Empire, si d’autres Etats de l’Allemagne souhaitaient, à leur tour, être représentés à Kome. « Nous sommes, déclarait-il, dans les relations les plus courtoises et les plus amicales avec le pontife qui occupe actuellement le siège Romain. » Il y avait donc quelque chose de nouveau dans les rapports entre Bismarck et l’Eglise romaine : cet hommage à Léon XIII l’attestait. Mais la suite du discours était singulièrement plus grave, il y avait aussi quelque chose de nouveau dans la conception que se faisait Bismarck de l’Eglise romaine. « Puis-je, demandait-il, considérer l’Eglise catholique en Allemagne comme une institution étrangère, qui ressortit aux relations purement diplomatiques ? » Et il répondait : « Non, car je compte les membres de la confession catholique en Allemagne parmi nos compatriotes assimilés les uns aux autres, et je tiens les institutions de l’Eglise catholique en Allemagne, y compris la Papauté qui est leur sommet, pour une institution indigène des Etats confédérés allemands. » Le temps n’était plus où Bismarck reprochait aux catholiques d’Allemagne d’être les esclaves d’un souverain étranger ; il affectait aujourd’hui de rendre au catholicisme allemand droit de cité dans l’Empire allemand. ; Il proclamait, sans nulle gène, que Rome et Berlin négociaient ;