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choisis le Centre ; entre les deux, le Centre est le moindre mal ; entre les deux il est le parti qui, d’après moi, met le moins en péril le vaisseau de l’Etat. »

Ainsi, dans la séance même où Bismarck justifiait devant le Reichstag le rétablissement par la Prusse des rapports diplomatiques avec Rome, il s’affichait comme désireux de nouer entre le Centre lui-même et la chancellerie de l’Empire certaines relations amicales ; il grommelait à vrai dire, plutôt qu’il ne souriait, à l’idée d’avoir désormais de tels amis ; il les prenait, sans nullement le cacher, comme un pis-aller ; mais ce discours du 30 novembre contenait, cependant, deux avances formelles : l’une s’adressait au Pape, avec un geste large ; l’autre, plus parcimonieuse et de moins bonne humeur, s’adressait au Centre. Et tandis que Bismarck, pour tenir Rome en haleine avant le retour définitif de Schloezer, se préparait à envoyer. Maurice Busch passer là-bas quelques jours, on projetait d’autre part, sur les bancs du Centre, de se rendre en masse, le 6 décembre 1881, à la soirée parlementaire du chancelier, et de sanctionner ainsi ses ouvertures, a demi caressantes déjà, à demi hautaines encore. Mais une sotte averse vint détruire l’arc-en-ciel. L’averse éclata dans les bureaux de la Gazette générale de l’Allemagne du Nord et s’abattit sur Windthorst ; une phrase qu’il avait dite, dans la commission parlementaire où l’on étudiait la navigation de l’Elbe, fut mal rapportée, mal interprétée, et la Gazette accusa Windthorst d’être en Allemagne l’avocat de l’étranger. Il se fâcha, obligea le ministre des Finances à déclarer que cette feuille officieuse s’était fourvoyée. Mais les membres du Centre furent plus susceptibles encore que leur chef ; au soir du 6 décembre, pas un ne vint chez Bismarck.

Ils rendaient le chancelier responsable des inconvenances commises par la Gazette ; ils l’en punissaient par une grève mondaine, en dépit de sa récente avance parlementaire. C’est qu’ils le connaissaient, et que le connaissant ils se défiaient ; ils avaient souvenir qu’un jour de 1872 il avait voulu les séparer de Windthorst ; et ils redoutaient que la presse bismarckienne, — au moment surtout où Bismarck leur faisait appel, — ne renouvelât pareille tentative et n’essayât de les décapiter, afin de faire d’eux, plus sûrement, un parti bismarckien. Leur altitude fut éloquente : resserrés autour de Windthorst, ils firent sécession, et boudèrent avec éclat l’invitation du chancelier.