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chose finie. Que dans certains cas ces curés demeurassent révocables par l’État ; qu’un tribunal subsistât dans Berlin, créé tout exprès pour prononcer ces révocations ; que les évêques ne fussent pas libres d’élever leurs clercs comme ils le voulaient, c’étaient là des abus que l’État pourrait ensuite faire durer, sans que les masses catholiques en sentissent le poids, sans qu’elles en souffrissent, directement, personnellement, au fond de leurs bourgades. La dislocation de la vie paroissiale était une ruine visible pour tous ; les empiétemens du pouvoir civil sur la liberté de l’éducation cléricale, les empiétemens du pouvoir judiciaire sur la liberté du ministère sacerdotal, faisaient sur les populations une impression moins immédiate, moins saisissante, et créaient des menaces dont ouvriers et paysans ne voyaient pas toujours toute la portée. La pression populaire forçait Bismarck de s’entendre avec le Pape pour rendre des curés aux paroisses ; elle serait moins rigoureuse, moins ardente, pour lutter contre des usurpations qui ne touchaient pas le peuple d’aussi près. La simple tactique commandait donc à Léon XIII d’exiger d’abord que l’État, par une révision des lois de Mai, renonçât à se faire l’éducateur des clercs et le juge des curés ou des évêques : l’Eglise ensuite, par des concessions opportunes, mettrait Bismarck en mesure de satisfaire le peuple, qui réclamait un ministère paroissial régulier ; elle ne remédierait à cette suprême détresse que lorsque l’État, de sa propre initiative, aurait mis un terme aux autres.

Voilà pourquoi Léon XIII et Windthorst, insensibles aux avances prussiennes, réclamaient la révision des lois de Mai ; et voilà pourquoi, au printemps de 1882, ils n’éprouvaient ni l’un ni l’autre aucun goût pour un projet d’après lequel le gouvernement pourrait à son gré, suivant les cas, maintenir ou supprimer, pour tel évêque et non pour tel autre, au profit de telle paroisse et non au profit de telle autre, l’obligation de soumettre au pouvoir civil les noms des prêtres appelés à des fonctions auxiliaires. Léon XIII, à qui la Prusse demandait d’agréer ce projet, répondait non. Et Windthorst à son tour décida que le Landtag devait répondre non. « Le but, le salut, sont encore bien loin, versifiait un chansonnier satiriste. Le chancelier est pressé, mais Rome à tout le temps. »


Vom Ziele, vom Heile, wie sind wir noch weit !
Der Kanzler hat Eile, Rom aber hat Zeit.