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couronne possédait de beau en peinture et en sculpture, » et l’exposer sous le nom de Muséum, imité de l’Angleterre ou renouvelé de l’Alexandrie des Ptolémées. Il en fut du Muséum prôné par d’Angevillers comme de tant d’idées, utiles ou ingénieuses, mises en avant dans les derniers temps de la monarchie : non seulement la réalisation en fut indéfiniment ajournée, mais, par suite de l’attribution du palais du Luxembourg au Comte de Provence, les toiles qui y étaient réunies furent expédiées à Versailles à partir de 1785 et soustraites aux regards du public.

C’est Barère, le futur « Anacréon de la guillotine, » qui reprit le projet dans un rapport à la Constituante, et qui fit voter, le 26 mai 1791, un décret de principe, décidant la création d’un Muséum dans la galerie du Louvre. Après la chute de la royauté, le ministre Roland annonçait au peintre et conventionnel David cette création comme imminente. Le 8 février 1793 pourtant, Barère devait revenir à la charge dans un rapport à la Convention ; le 27 juillet, un nouveau décret ordonnait l’ouverture pour le premier anniversaire du Dix Août. En fait, c’est à une date qui n’avait encore rien d’historique, le 18 brumaire an II (8 novembre 1793), que le Muséum Français ouvrit ses portes : le public y était admis les trois derniers jours, et les artistes les cinq premiers jours, de chaque décade.

Il avait fallu non seulement triompher des résistances de la municipalité de Versailles, acharnée à conserver les collections royales, mais trier l’abondant produit des confiscations révolutionnaires, et surtout récupérer une partie des locaux du Louvre sur les hôtes qui s’y étaient plus ou moins indûment installés. Sous l’ancien régime déjà, malgré les protestations et les actes de rigueur intermittens de Marigny, écrivains, artistes et courtisans avaient obtenu des ateliers et des logemens soit au-dessous de la grande galerie, soit sur la façade de la colonnade de Perrault, soit même dans des baraques surgies au milieu des cours. La Révolution expulsa les serviteurs de la monarchie, mais pour leur donner des successeurs moins discrets et plus entreprenans : « Le Louvre fut envahi, » a écrit le comte de Clarac, qui avait pu entrevoir ces campemens ; « c’était une ville prise d’assaut, livrée au pillage, et que chacun se partageait à son gré… On bâtissait des maisons entières dans des salles qui n’étaient pas terminées : on ne respectait pas plus