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aussi l’opinion de Denon : « Mon cher collègue, » écrivait-il au savant Monge, naguère commissaire du Directoire à Rome, « la Pallas est arrivée. Elle n’est point au-dessous des éloges que vous lui donniez ; la juste appréciation que vous m’en avez faite prouve que vous l’aviez vue avec les yeux d’un amateur éclairé des beaux-arts. Venez la voir, mon cher collègue : elle est maintenant décaissée. J’ai pensé que les soins que vous aviez pris pendant votre administration à Rome pour procurer ce chef-d’œuvre à la France méritaient que vous fussiez un des premiers à en jouir. » Avec le Premier Consul, Denon entrait dans des détails plus didactiques, expliquant comment la statue, antérieure à la domination romaine, avait dû être apportée de Grèce après la conquête ; mais son admiration s’exprimait en termes aussi enthousiastes : « On peut l’annoncer avec assurance comme la plus belle figure drapée qui soit connue. »

Provisoirement placée dans la première salle des antiques, la Pallas reçut, le 19 décembre 1803, la visite du Consul et de Mme Bonaparte. Quelques semaines plus tard, de l’examen d’un fragment original de la main et de l’avant-bras, expédié de Rome par le chargé d’affaires Artaud, Denon conclut que la restauration effectuée en Italie trahissait la pensée de l’auteur, et il la fit reprendre sur d’autres données. Loin d’estimer comme nous que toute tentative de restauration constitue une sorte de sacrilège, on se croyait alors obligé de réparer les injures du temps ou des hommes, et de rétablir les chefs-d’œuvre antiques dans leur état soi-disant primitif.


Au moment où la galerie des antiques, enrichie des statues récemment arrivées, allait être rouverte au public, le directeur laissait échapper un excusable cri d’orgueil : « Ce monument si précieux de la gloire de nos armées est maintenant, par les nouvelles dispositions qui lui ont été données et les nombreux chefs-d’œuvre qu’il renferme, le plus bel établissement de l’univers. » Mais Denon avait l’ambition d’augmenter encore cette incomparable collection. S’il devait renoncer à l’espoir de posséder au Louvre les chevaux de Venise, transportés en 1807 de la grille des Tuileries à l’arc de triomphe du Carrousel, et le quadrige de Berlin, destiné au futur temple de la Victoire ; s’il