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tout d’abord été transporté Henri IV blessé à mort : là que la troupe de Molière avait joué le Nicomède de Corneille ; là enfin que le 4 avril 1790, en présence des cinq directeurs, l’Institut National avait tenu son interminable première séance publique. Mais, comme l’écrivait sans exagération un contemporain de Louis-Philippe, en 1806 « il y avait au moins deux cent vingt ans que l’on ne s’était occupé, si ce n’est pour la dégrader, de la belle salle des Caryatides : » la décoration en était demeurée inachevée, et les murs portaient la trace des nombreux méfaits des tapissiers. Fontaine et Percier, chargés de la mettre en état, eurent le tact de conserver le style Renaissance, de placer auprès des statues de Jean Goujon des bas-reliefs en bronze d’André Riccio et de Benvenuto Cellini, et de dessiner une ornementation en harmonie avec les cariatides ou la nymphe de Fontainebleau. Denon attendait impatiemment la fin des travaux d’appropriation : « Cette salle conviendra parfaitement à l’exposition des statues colossales et à quelques-uns des chefs-d’œuvre de la collection de la villa Borghèse. » On y plaça notamment les groupes du Nil et du Tibre, venus du Vatican, d’où le nom de salle des Fleuves, qui lui était parfois attribué.


V. — LES TABLEAUX

L’aménagement de la grande galerie du bord de l’eau, affectée à la peinture ancienne, fut le souci dominant de Denon pendant les premières années de son directorat.

A peine entré en fonctions, il consacrait tout un « trumeau, » ou, comme nous dirions plutôt aujourd’hui, toute une travée, comprise entre deux fenêtres, aux œuvres de Raphaël ; seize tableaux du maître étaient groupés autour de la Transfiguration et permettaient de suivre l’évolution de son génie, « Je continuerai dans ce même esprit pour toutes les écoles, » expliquait le nouveau directeur au Premier Consul, « et dans quelques mois, en parcourant la galerie, on pourra faire sans s’en apercevoir un cours historique de l’art de la peinture. » Mais les visiteurs qui affluaient, tout en se déclarant émerveillés d’un tel ensemble, dénonçaient plus que jamais un mode d’éclairage qui empêchait de jouir pleinement des chefs-d’œuvre de Raphaël. Aussi, peu après la proclamation de l’Empire, Denon